ma note
-/5
Merci de vous logguer pour voir votre note, l'ajouter ou la modifier!
The Phantom of Regular Size
les avis de Cinemasie
3 critiques: 3.08/5
vos avis
5 critiques: 3/5
Une ambiance hystérique
Effectivement, tout l'univers de Tsukamoto est là, et nous arrive en plein dans la face sans qu'on le veuille/sache vraiment. On est en gros cueillit à froid, comme une sorte d'attraction à grande vitesse dans le noir complet accompagnée de flashs aveuglants laissant apparaître des choses bizarres sans pour autant qu'on s'y attende. The Phantom of regular size évoque donc déjà tout un pan du cinéma de Tsukamoto, bientôt cité en grosse partie par Tetsuo : The Iron Man pour sa mise en scène faite d'excès de vitesse et d'engins génitaux surdimensionnés, et surtout The Adventure of Denchu Kozo pour la petitesse de ses moyens, son envie de bien faire et ses personnages sortis tout droit d'un manga SF. L'absence de moyen donne aussi un résultat intéressant puisque ce court-métrage déborde d'idées en tout genre aussi bien visuelles que thématiques.
Les plans typiques du cinéaste sont déjà là, comme ce héros filmé de front qui semble se mouvoir dans un décor à toute vitesse sans faire un seul mouvement, sous une bande-son désagréable, aux vagues sonorités Jean-Louis Costiennes. Il y a aussi tout un étalage d'éléments organiques appartenant au pur registre de la SF, comme cette main bio organique qui ferait pâlir Freddy Krueger sorti tout droit d'un Videodrome, ce sexe surdimensionné digne d'une perceuse. Violent quand on pense qu'une jeune femme est prête à l'accueillir avant de succomber de ses blessures. Tsukamoto déjà pervers? Tsukamoto est en tout cas conscient de l'urbanisation de Tokyo, de sa modernisation et des progrès techniques qui changeront à la fois l'être humain et la société. Mais que l'on se rassure, le monde ne sera pas envahi par des entités bioniques comme Tsukamoto le prévoyait avec The Phantom of regular size. Il sonnera juste la naissance d'un cinéaste important à défaut d'être toujours attrayant.
Proto-Tetsuo
Si Les aventures de Denchu Kozo (1987) nous renseignait déjà sur la genèse de l’univers de Tsukamoto et l’influence fondamentale qu’il aura sur Tetsuo (1989), l’importance de Phantom of Regular Size réalisé en 1986 y apparaît encore plus capitale dans ce qu’il nous montre du processus d’élaboration stylistique et thématique du réalisateur. Véritable œuvre séminale, ce court métrage de 18 minutes n’est rien que moins que le brouillon du film cyberpunk à sensation qui déboulera trois plus tard sur les écrans des salles underground. Premiere réalisation après la brève expérience professionnelle de Tsukamoto dans le milieu de la publicité, Phantom of Regular Size est la métaphore explosive de la cannibalisation de l’humain par son environnement urbain. Sous forme très compacte et à l’aide d’ellipses béantes, on y retrouve un scénario et un casting identique à ceux qui animeront Tetsuo. Soit l’expérience d’un salaryman (Tomorowo Taguchi) persécuté par une femme aux protubérances métalliques (Nobu Kanaoka) qui contaminera l’individu jusqu'à ce qu’il mute en monstre d’acier et fusionne avec son nemesis (Shinya Tsukamoto). Doté d’une esthétique vidéo blafarde et trouble, Phantom of Regular Size possède la notable caractéristique d’être tourné en couleur. On y distingue déjà le recours aux teintes primaires jouant sur le contraste rouge/bleu pour symboliser l’opposition chair/métal. Plus qu’un délire inspiré dont les spectateurs durent en leur temps avoir du mal décoder le sens, ce court brasse des symboles et thématiques qui apparaîtront alors bien plus clairs trois ans après. On s’étonne d’ailleurs d’y retrouver autant de scènes quasi-identiques : la poursuite dans le métro, le phallus métallique et la scène de sexe associée (ici un viol au lieu d’un rapport/suicide consenti), la référence à la collision avec la voiture (avec en prime des explications ‘scientifiques’ inédites), la fusion et course finale dans les rues de Tokyo. Sur le plan formel et sonore, les mêmes remarques se formulent : usage effréné d’un montage ultra-cut sous acides appuyant la démence naissante du personnage, déplacements supersoniques en stop-motion, percussions industrielles de Chu Ishikawa, jeux sur les distorsions sonores allant crescendo avec la mutation de l’individu, usage d’effets sonores identiques (notamment les bruits d’accélérations). Ce que Phantom of Regular Size perd en profondeur et en clarté, il le gagne en densité et en force d’impact. De ce direct décoché en pleine mâchoire, on retiendra rétrospectivement son inébranlable et émouvante foi dans le médium vidéo catalysée par la folle fougue de jeunesse d’une bande d’amis à l’assaut d’un pan de cinéma où tout restait encore à explorer.