Ordell Robbie | 2.5 | Un Fukasaku personnel mais mineur |
Avec House on Fire, Fukasaku s'était essayé au drame romantique à une époque où le public des cinémas au Japon était majoritairement féminin. Cette seconde tentative du cinéaste se révèle plus convaincante car, tout en souffrant des memes travers académiques, le film se révèle un Fukasaku plus personnel. Le film est centré sur la vie de la célèbre poétesse Yosano Akiko durant l’ère Taisho et décrit ses rapports avec son mari le poète Yosano Tekkan, l’écrivain Arishima Takeo et l’anarchiste Osugi Sakae. L’ère Taisho, c’est celle de la guerre entre Russie et Japon et de la montée au Japon des mouvements anarchistes et socialistes. On comprend du coup que le cinéaste se soit intéréssé à une période dont l’instabilité, le chaos n’était pas sans évoquer celui du Japon de l’immédiat après-guerre qu’il a dépeint dans ses chefs d’œuvre seventies. Bien sur, le scénario ne lui permet que de traiter ce sujet à la marge de son récit mais la difficulté à vivre dans la contestation du pouvoir en place, l’utilisation du tremblement de terre de Kanto par le pouvoir pour réprimer la contestation se retrouvent évoquées au détour d’un plan.
La question de l’influence occidentale est également une problématique commune à cette époque-là et à celle d’un Japon d’après-guerre s’américanisant progressivement du fait de l’occupation militaire. L’attirance entre Akiko et Takeo se retrouve ainsi scellée par le cadeau d’une tenue occidentale qu’offre Takeo à celle qu’il désire. Les deux personnages incarnent cette vitalité qui est un élément essentiel du cinéma de Fukasaku. Pas étonnant dès lors qu’éloigne d’un etre lui permettant d’exprimer cette vitalité les désirs morbides finissent par envahir Takeo. Pas étonnant non plus que Akiko affirme sa volonté de rester une figure de vitalité au milieu des ruines. Les yakuzas qui affirmèrent leur énergie vitale au milieu d’un Hiroshima en ruines se retrouvent ainsi avec une ancetre de l’ère Taisho.
Dommage simplement que la mise en scène de Fukasaku se contente trop souvent d’illustrer le scénario hors quelques cadrages penchés et usages de l’arret sur image réminiscents de ses seventies rebelles. Car pour le reste le score est dans l’ensemble bien plus écoutable que celui de House on fire et l’interprétation de bonne facture (le film fut de ceux qui permirent à MATSUDA Yusaku d'etre reconnu en tant qu'acteur). Le film demeure ainsi un de ces films mineurs, assagis mais pas impersonnels que Fukasaku produisit durant les années 80, décennie qui en fit un cinaste très populaire au Japon au prix de quelques reniements.