un incontournable
Un jeune artiste vit en vendant des portraits qu'il peint dans la rue. Seul, renfermé, Real Fiction témoigne des sentiments qui l'habitent. Plus que jamais ou comme à son habitude, Kim Ki duk, parle de lui-même, de la différence qui l'habite et qu'il ressent au quotidien.
Comme à son habitude car le héros de cette " fiction réelle " est un marginal que la société marginalise. Il est en dehors de cette mécanique sociale qui lie les gens. Silencieux comme les deux protagonistes de L'Ile, victime volontaire comme la jeune fille de La Porte bleue, ténébreux comme le bad guy, enclin à des pulsions incontrôlables comme le soldat de CoastGuard, unique comme le métis de Address Unknown. Et il est évident que si les qualificatifs attribués à chacun de ces personnages peuvent s'inter changer c'est parce qu'ils se complètent et ne dessinent qu'une seule et même personne. Personne dont la personnalité était éclatée dans Address Unknown.
Bien plus que jamais Kim Ki duk parle de lui-même, peut être plus ouvertement. Il n'y a rien de difficile à le reconnaître dans les traits de ce jeune artiste ambulant. " Tu étais dans la marine ! " lui dit le boucher vers la fin du film. Difficile de se sentir différent dans une société qui ne supporte pas les différences. Bien sûr, il ne faut pas voir ici un discours montrant du doigt la Corée, mais bien comme Kim Ki duk le confiait dans son interview une peur de l'autre bien plus large. Ce dont il s'agit c'est de xénophobie, de cette peur, de ce rejet de l'autre. " T'es pas de ma bande " disait Renauld. C'est La Guerre des boutons, cette incapacité humaine à accepter l'autre dans sa différence et non sa ressemblance. Inutile d'insister plus, chacun aura compris ce discours essentiel qui marque l'œuvre du moins estimé des réalisateurs coréens (à un niveau national).
Comment construit-il son discours ! C'est dans une altérité schizophrénique que la souffrance se transforme en violence. La séquence du théâtre est en ce sens une pure merveille. " Trouillard, reste là, boit avec moi et soit mon contraire ! ". S'exclame l'autre, l'acteur, l'alter. Le dispositif alternant la caméra fixée en position de spectateur de théâtre (cf : Panovsky) et ce témoin-caméra qui apparaît comme par magie, accentue l'idée du jeu, de la représentation théâtrale et du symbolique. Nous n'assistons pas à quelque chose de réel (dans la fiction), mais bel et bien à un enjeu plus intime du personnage qui va faire basculer la diégèse.
Le titre est en ce sens très beau: Real Fiction. Sans s'appesantir trop dessus, je ne peux m'empêcher de souligner mon affection pour ce choix. C'est en effet réellement une fiction, une fiction dans la fiction, une échappée mentale qui permet de tenir et qui devient par là même tout à fait réel ou réaliste pour chacun. Qui n'a jamais fantasmé des événements que la réalité ne permet pas ? Cette idée empêche tout discrédit du personnage, car le fantasme l'empêche de tomber dans un passage à l'acte qui le désignerait comme fou, tellement semblable à autrui, à l'alter ego.
Et c'est bien dans l'altérité, la rencontre de la peintre que le calme revient et que le rêve se dissipe. Real Fiction mécontentera à coup sûr ceux qui passent à coté de cet aspect, cette question de l'identité par rapport à autrui car il ne leur restera qu'une violence inconsciente et stérile à supporter sans que rien ne leur soi apporté. Cependant, Real Fiction, par sa sobriété et son efficacité, apparaît comme fondamental dans l’œuvre de Kim Ki duk.
Expérimentation fumeuse
Tourné entre L'ile et Address Unknown, Real Fiction donne l'impression d'un film réalisé par un scénariste de Julie Lescaut qui se prendrait pour Abel Ferrara. Car le thème du film -je me venge de mes frustrations en zigouillant tout le monde- évoque les revenge movies seventies. Sauf que la profondeur est ici très loin de celle des classiques du genre. La seule idée intéréssante de cette "performance" est la présence de la fille à la caméra suivant le meurtrier en permanence. Cette idée rappelle le superbe Glamorama de Brett Easton Ellis mais dans son livre Ellis faisait intervenir l'idée de direction d'acteur, de mise en scène de la réalité qui est absente de ce (trop) long récit du tournage d'un quasi-snuff movie.
Un thème mal traité par le film est justement la frontière fiction/réalité: dans la première scène du théatre, ce qui est joué renvoie à des situations aussi riches psychologiquement et émotionnellement qu'un Stallone années 80; certaines situations (la bouchère lubrique, le sexe dans un magasin de fleurs, la morte nue entourée de fleurs, le macho dans la boutique de comics, le serpent qui effraie tout le monde au bureau) puent la provocation bidon, le pétard mouillé à plein nez. Pour ce qui est de la réalisation, on est en plein dans la pire épate Dogma: caméras portées à tort et à travers, alternance digital/argentique ne débouchant pas sur une réflexion sur l'image comme dans le superbe New Rose Hotel. Les zooms rapides évoquent une mauvaise digestion des figures de style de la série B. Les acteurs n'arrivent jamais à jouer juste et leur jeu excessif ne fonctionne jamais.
Cette expérimentation vaine a pour seul mérite d'etre atypique dans la filmographie de Kim Ki-Duk et ainsi de mettre d'autant plus en valeur L'Ile et Address Unknown : s'ils ne sont ni parfaits ni aboutis, ces derniers ont au moins le mérite de ne pas verser dans la poudre aux yeux auteurisante.
Un film raté, mais inexplicablement attirant
Précisons le tout de suite: ce film est raté. Les plans s'enchainent très mal, les acteurs sont peu convaincants et le propos emprunt d'un simplisme rédhibitoire.
Ceci n'empeche pourtant pas Real Fiction, étrangement, d'exercer une fascination morbide qui empeche de s'ennuyer ou de pester contre les innombrables points faibles de l'oeuvre: le double-jeu sur le héros acteur volontaire/involontaire de sa propre "fiction" est intriguant: impossible de savoir ou Kim Ki-duk veut nous emmener, puisque jusqu'à la fin le propos reste flou: acteur involontaire de "son" film, le héros cède t-il à l'exaspération pour finalement massacrer tous les seconds rôles, ou le tout est-il scénarisé dans le cadre du film dont on peut voir la fin du tournage au moment ou Real Fiction se termine? Ou encore, avons nous affaire aux classiques chimères ne se déroulant que dans l'esprit du héros? Cette ambiguité permet de maintenir tout du long un strict minimum vital de cohérence entre des éléments hétéroclytes et pour la plupart désespéréments bancals. Acceptable finalement, surtout grâce à cet effet de flou assez puissant qui "prend" le spectateur au moment où le film se termine, mais à situer avec The Coast Guard tout en bas de la filmographie de ce brave K. Ki-Duk.
Il manque quelque chose
Real fiction est un film sympa, mais peut être pas assez entrainant, et trop prévisible. On sent qu'il reste dans les premiers essais de Kim Ki Duk (même si c'est son 5eme film). Omniprésence des non-dits et du mal de vivre.
Passage préféré: dans la librairie.
Moi j'aime le cinéma expérimental, surtout quand c'est nul
On aurait peut-être pu faire quelque chose de cette idée de "fille à la caméra", en introduisant un peu de jeu avec le film et de mise en abyme, jouer avec les inserts et le point de vue qu'il induisent,... ce genre de chose. Vraiment sous-exploité, pour ne pas dire pas exploité du tout.
Alors le reste, plus trop d'intérêt de voir le film, si ce n'est pour la curiosité de voir un film tourné en seulement 3h20 sans refaire de prise (c'est pas moi qui le dit, c'est le KOFA)(en passant le KOFA parle aussi de 8 caméras 35mm et de 10 numériques, quand on voit le résultat on se demande où tout cela est passé) même quand des piétons s'arrètent dans le cadre et qu'un technicien doit les faire dégager (séquence visiblement parfaitement assumée, vu qu'elle est même insérée dans les images du menu DVD !). On peut se poser la question de l'intérêt de la démarche, quand il est évident qu'elle produit un film au rabais. Car il faut avouer que c'est pas loin de ressembler à un film de psychopathe classique pas super intéressant (et avec un "twist" final vraiment moisi), mais en plus mal interprété et mal filmé.
Real fiction a été visiblement tourné rien que dans le but de pouvoir dire "c'est possible". Vous aussi ne le voyez que pour pouvoir dire "je l'ai vu"...
22 septembre 2007
par
Epikt
À la limite de l'expérimental, presque amateur, et pourtant !
Jamais je n'avais vu un film de la sorte, aussi spontané et répété à la fois, c'est une sensation bizarre. Le scénario est très simple, pourtant on se demande tout le temps comment tout ça va se terminer...
L'acteur principal est lui aussi entre deux rôles : Indécis/Timide et Violent/Virilité.
C'est vraiment louche, tous les plans (un bon tiers à la caméra numérique portée par une jeune fille qui a un rôle dans ce film) sont particuliers.
Malgré un contenu assez creux, j'ai aprécié ce film en temps réel, j'y ai trouvé un véritable intérêt, mais je ne saurais pas vraiment dire pourquoi...
Je crois que c'est notament les prises de vue et le jeu théatral/impro des acteurs revus et corrigés par la pate de Kim Ki-Duk qui me fait cet effet :)
Bref, je pense que beaucoup n'aimeront pas, mais moi ça m'a bien plu.
Autobiogra-fiction
KIM KI-DUK réalise ici un projet au format surprenant, mais qui ne désoriente pas trop le spectateur habitué aux obsessions du réalisateur.
Cette déambulation vengeresse d’un jeune portraitiste dans une grande ville coréenne, à la recherche de tous les gens qui ont pu l’humilier ou le tromper, se présente comme un pseudo documentaire façon Dogma, la caméra collée aux basques du tueur étant tenue par une jeune femme aussi énigmatique et muette que tenace.
Si l’exercice de style désoriente au départ, on rentre vite dans cette histoire de frustration larvée et d’explosion de violence libératrice, les personnages ayant suffisamment d’épaisseur et l’intrigue restant toujours intéressante à suivre pour faire oublier la seule prouesse technique d’avoir tourné en moins d’une journée.
Il s’agit en fait d’une sorte d’autobiographie du cinéaste, lui-même peintre après avoir été militaire, mais détournée par le fantasme et le contexte social, deux éléments récurrents dans l’univers de KIM Ki-Duk. En choisissant la vidéo légère et le format court, il place de lui-même cette œuvre en marge de sa filmographie classique, mais son thème si particulier ne lui donnait peut-être pas envie d’en faire une version plus traditionnelle, tant cette histoire contient encore plus des données issues de son cheminement personnel que ses autres projets plus classiques.
S’il n’est pas toujours convaincant sur la durée, une lassitude vis-à-vis du type de prise de vue surgissant à l’occasion, s’il est parfois irritant dans son développement, en particulier son héros monolithique aux motivations saugrenues,véritable bloc de haine sans aucun recul, ce moyen métrage est une très intéressante récréation pour KIM Ki-Duk, en même temps qu’une « re-création » de la réalité, la scène finale d’une grande intelligence nous renvoyant à notre statut de voyeur par procuration, mise en abîme ultime d’un film plus maîtrisé qu’il n’y parait de prime abord. Et une nouvelle preuve de l’originalité de ce coréen atypique et fort singulier personnage.
intime défoulement
real fiction met en scène les vengeances imaginaires d'un peintre qui ressasse ses échecs, ses frustrations et ses humiliations passées et qui s eprend à rêver d'un monde où il serait son propre juscticier vengeur, sanguinaire, et sans pitié : un vrai homme ????
d'où un enchainement de scènettes où il arrive, tout va bien , et voilà, il y a un mort...5 ou 6 fois, le répétition qui montre les "vengeances" dans l'outrances permet d'amener le spectacteur à voir que c'est bien d'une rêverie symbolique dont il est question. L'impuissance du héros : à réussir, a être aimer, retrouve dans cette explosion de violence qui parait incohérente une virilité défaillante en terme d'image et d'estime de soi...
les rapports avec les femmes dans l'amour, le désir, le sexe et la tendresse sont délicatement posés : une sorte d'imbroglio contradictoire, les femmes, apparemment.
ce film, que j'ai regardé et suivi avec moins de plaisir que les autres reste attachant et je pense, qu'avec le temps, je l'apprécierai de plus en plus (je l'aime déjà beaucoup plus qu'hier après la projection où vraiment l'enthousiasme ne m'habitait pas!!!).
On sent dans cette expérimentation de temps réel, un exutoire mis en image, rapide mais efficace, trash mais défoulant...avec cette note, propre à kim ki duk de nous signifier, clairement, si il restait des doutes, que c'est bien, une fiction, que la réalité, une fois de plus est ailleurs, et qu'il a bien partager, encore, quelque chose de lui...merci