Brother in love
Avec ses 31 millions de bahts engrangés, "Romantic Blue" était certes le plus gros succès du box-office thaï de l'année 2005, mais en même temps, il n'avait face à lui qu'une poignée d'autres titres (dont "Dark Side Romance" de Prachiya Pinkaew et… "The Heroes's Adventures" d'un jeune premier du nom de…Poj Arnon !!!). Le score était pourtant plus que honorable pour l'époque, où les films thaïs atteignaient un bas historique et rencontraient surtout que le dédain d'une population locale, qui lui préférait les grosses productions hollywoodiennes; les rares films à sortir n'étaient avant tout que des comédies romantiques, capables de satisfaire un jeune public adolescent, qui constituait le gros de la clientèle cinématographique.
Prêt à cracher mon venin sur ce que je pensais une énième comédie romantique thaïe dégoulinante de beaux sentiments, j'ai fini très vite par ravaler mes sempiternels mauvais préjugés à la découverte du film. L'historie déborde certes des clichés habituels et le produit semble entièrement formaté à son jeune public, mais le résultat est très convaincant et réussit à toucher juste. C'est qu'il y a du beau monde derrière la production. Le réalisateur Limtrakul Rashane est le producteur des longs parmi les plus intéressants du cinéma thaï de ces dernières années (Killer Tattoo, Bangkok Loco, Necromancer, Ahimsa: Stop to run) et également réalisateur de l'un des segments du très attendu "4 Romance" à venir (ET acteur dans "The Victim", dans lequel il joue le réalisateur) et il emballe avec beaucoup de savoir-faire un scénario rédigé par Kethsirinthep Monsak, NIYOMGUL Dulyasit (futur réalisateur de "Promise me not" et de "Cadaver") et surtout PONGSUWAN Siwaporn (productrice couilloue des superbes "Sayew" et "Midnight my love" et réalisatrice d'un premier décévant, mais néanmoins intéressant "Bite of love").
La réalisation de ce véritable mélodrame romantique est impeccable et étonne une nouvelle fois par sa superbe esthétique, proche de celui du clip musical, mais dont les effets d'éclairage n'ont pris aucune ride. L'histoire est assez classique avec une jeune adolescente étant l'enjeu de l'amour entre deux frères et provoquant un véritable drame; en revanche, il est étonnant de voir à quel point ce drame sera noir, aboutissant sur une hallucinante course-poursuite finale plein de rage et de hargne, peu habituel dans ce genre des films. Le crime est d'ailleurs représenté dans toute sa cruauté…et ne paie vraiment pas. Mai, cambrioleur de voitures par al force des choses, pour avoir le talent d'ouvrir des voitures pour permettre le vol et ce dans le seul but de payer les frais d'hôpital de son père malade est pris dans un engrenage fatal avec une issue forcément fatale. Le casting, impeccable, en est également pour beaucoup dans le film avec l'interprète de Mai, qui n'est pas sans rappeler la figure maudite d'un jeune James Dean. Une réussite à mettre sur le compte de l'approfondissement psychologique du réalisateur Limtrakul, qui prête beaucoup d'attention aux petits détails. Pour exemple, Mai, le héros principal, est issu d'un milieu modeste, tandis que l'objet de l'amour, elle, est issue d'une famille riche; une différence sociale, qui n'aura pas pour autant beaucoup de conséquences à la suite de l'histoire. Un soir, Mai est invité par la jeune fille et son père à monter dans la luxueuse voiture pour le ramener à la maison. Il pleut des cordes et le jeune homme est très gêné de mettre de l'eau partout à l'intérieur de la voiture. "Je préfère éponger l'eau qui dégouline de vous, plutôt que vous vous attrapiez la mort" dit joyeusement le père et tend un mouchoir au jeune homme. Mai se met fébrilement à essuyer la banquette, sur quoi la fille dit en riant: "Mais c'est pour t'essuyer le visage et non pas pour éponger l'eau !". Une scène tout en finesse, qui dit tout en quelques mots et gestes.
"Romantic Blue" reste avant tout une comédie romantique formatée à son jeune public (donc à l'issue attendue); mais elle ce "je-ne-sais-quoi" qui fait toute la différence. La chanson "Lok Tung Bak Hai Nai Khon Diew" chantée par Tao Somchai est devenu un véritable classique de la musique pop thaïe.
Mention spéciale également aux très nombreux extérieurs filmés dans un Bangkok, tel que j'ai pu encore le connaître et largement méconnaissable par rapport à aujourd'hui. Comme dans beaucoup de films tournés durant la formidable explosion économique du pays durant les années 1990, le réalisateur met véritablement en scène les gros buildings nouveaux le long du Chao Phraya…et ils semblent encore bien seuls par rapport à tous ceux qui ont poussé aujourd'hui. Il y a également une formidable scène de course-poursuite dans un des nombreux quartiers bidonvillesques tous rasés depuis…Bizarre d'écrire ça concernant un film, qui a moins de quinze ans…
