Xavier Chanoine | 3.25 | Drame d'époque plutôt réussi, violent et carré |
Sabu est une des premières incursions sérieuses de Miike Takashi dans l'univers du Jidai Geki. Visiblement inspiré par cet univers capable de laisser libre cours à son imagination farfelue, le cinéaste y reviendra deux ans plus tard avec le mauvais Izo, qui s'il fait preuve d'audaces visuelles -contrairement à Sabu- il n'en demeure pas moins raté dans tous les domaines. Sabu est une autre donne, un autre film et une autre ambiance, que l'on pourrait comparer avec celle de Imprint, son segment des Masters of Horror sous la houlette de Mick Garris. Même cadre du Japon du 19ème, même type de photo, et sens aigu de la douleur. Pourtant les métrages n'ont rien en commun, car Sabu n'est ni un film d'horreur ni une farce chambaresque. Le cadre prend lieu et place sur l'île d'Ishikawa et plus précisément dans une maison de redressement aux méthodes fortes. Il est dit que les "détenus" ne sont pas en prison mais c'est tout comme, on y retrouve en effet les matons et autres maîtres imposants et toute la violence qui en découle. Coups bas, pressions psychologiques et corruption sont donc monnaie courante. Eiji en est la principale victime. Accusé à tord du vol d'un habit doré, ce dernier va se retrouver du jour au lendemain dans cette maison de correction, tandis que son ami de longue date, Sabu, fera tout pour découvrir qui est le véritable auteur de ce crime.
Dans l'ensemble, Sabu est une belle surprise. On n'attendait pas Miike Takashi dans le registre du film posé et contemplatif, aux plans étirés dignes d'un drame japonais des fiveties. Son film fait ainsi preuve d'une maturité appréciable (rigueur de la mise en scène), exempt de tics visuels gratis indignes d'intérêt qui faisaient jusque là sa réputation. Le cinéaste n'est pas qu'un marchand de grossièreté et de films nonsensiques (comme par hasard ses plus populaires), il sait aussi proposer un contenu riche et fondamentalement travaillé : le scénario est particulièrement bien écrit, la cohérence est de mise (le parallèle réussit entre l'enfance des personnages et leur vie de maintenant), un sens du sérieux que l'on ne trouvait pas dans Dead or Alive: Final pourtant réalisé la même année et par la même personne. Miike ne s'est pas pour autant assagit avec Sabu, oeuvre parfois violente et cruelle, mais à aucun moment ce dernier ne peut être pris à des degrés divers. Sabu est carré, presque Historique (l'importance de la hiérarchie à cette époque, la soumission des femmes) et multiplie les niveaux de lecture avec des rebondissements guère attendus. L'interprétation n'est pas en reste, et si elle n'est pas tonitruante elle permet de mettre en avant une jeune génération d'acteurs dont l'excellent Fujiwara Tatsuya découvert chez Fukasaku, impeccable dans la peau d'un être revanchard à la limite de l'autisme. On trouvera toujours à redire sur l'utilité de Sabu dans le paysage cinématographique nippon, tout comme son scénario, qui même si bien écrit, ne fait pas montre d'originalité transcendante, jusqu'à tomber dans la facilité (bagarres dans la maison de correction, pensées Bouddhistes pompeuses "Quand tu sentiras l'odeur des fleurs c'est que tu seras apaisé"...) mais l'on se satisfera d'avoir vu tout simplement un bon film.