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Astec | 4 | Le retour de Prabhas |
A un moment donné, il fallait se pencher sur le cas Prakash NEEL. Avec RAJAMOULI, il est l’autre King en terme de succès public du cinéma « du Sud » à visée panindienne. A son passif, des parti pris chromatiques moches, des effets de style subtils comme du SNYDER, des scores donnant envie de réévaluer Hans ZIMMER et un montage confondant tension permanente et peur du temps mort. Il suffit de comparer la course poursuite de KGF 2 avec son modèle Fury Road. Pour autant, on n’ira pas rejeter en bloc le plébiscite public indien autour du cinéaste. KGF 2 n’est regardable d’un trait qu’une seule fois mais il reste quand même après coup : 1) le culot de centrer un gros blockbuster sur un personnage absolument antipathique (Rocky). 2) les punchlines tonymontanesques de Rocky. S'agissant de Salaar Part 1 : Ceasefire, il n'est de plus pas déplaisant de savoir que sa recette du premier jour en Inde fut supérieure à celle de Jawan..Jawan aka Bollywood à bout de souffle recrutant un cinéaste du Sud pour refaire un blockbuster du Sud en moins bien avec SRK.
Salaar Part 1 : Ceasefire a les travers mentionnés plus hauts. Mais il a un point commun avec les meilleurs films du réalisateur de RRR : savoir construire une mythologie et des univers. Déjà, le personnage de Deva (PRABHAS) : une figure de mad dog qui ne fait exploser la violence que si Maman est d’accord. Un peu comme si le personnage de Nicky SANTORO (Joe PESCI) dans Casino avait dû demander le feu vert de la Mamma avant de commettre un massacre. Le souvenir maternel sert d’ailleurs de catalyseur au déchainement de violence de Deva. Un sillon « maternel » approfondissant un KGF 2 dans lequel la mère de Rocky lançait fiston sur la route vers le Bling en lui « enseignant » que les femmes aimaient l’or et mes bijoux. Rayon autorecyclage aussi… L'Ugramm inaugural du cinéaste en partie adapté à PRABHAS. La fabrication d’une ville minière hors la loi comme dans les KGF du même cinéaste. Des Dames de Fer à la Indira GANDHI façon KGF 2. La narration en flash backs façon KGF 2.
Le reste, c’est de l’emprunt habile. L’ouverture en forme de David et Goliath revu par la grossièreté de SNYDER. Les truands amis/frères ennemis dont on ne sait pas très bien s’ils doivent au classique hindi seventies Dewaar ou à John WOO. Les intrigues électorales de clans mâtinées de sang entre le Péplum et SHAKESPEARE. Les origines primitives de l’univers voulant renvoyer à Baahubali. Deva investi d’un statut de divinité du Mahabharata comme… pas mal de héros rajamouliens. NEEL serait justement le frangin maléfique du réalisateur de RRR. Le premier fabrique des anti-héros là où le second cherche à construire des héros classiques. Le premier est la caricature d’une conception de la mise en scène biberonnée aux pires travers du blockbuster hollywoodien contemporain. Le second a en ligne de mire les superproductions hollywoodiennes classiques et, s’il fait parfois un détour apparent par SNYDER (ces ralentis trèèèès étirés), c’est pour retrouver l’hyperbole d’un WOO.
Oubliez les faiblesses et surtout regardez-le sur un gros écran en UHD lorsqu'il sera dispo (il vient de sortir sur Netflix Inde) si vous l'avez loupé en salles, avec un bon son et la version télougou si possible (la vo) pour avoir la (profonde et douce, une de ses "features" de star) voix de Prabhas : mon meilleur blockbuster live de l'année 2023, vu déjà 3 fois avec ma fille. Un jouissif clip d'action mythologico-épico-pompier avec une superbe bande son tonitruante, proposant des scènes d'élévation - ces longues séquences typiques du ciné indien "masala" qui font monter la pression avec ralentis et bgm héroïque avant que le héros ne se lance dans l'action... - jouissives.
Une fois assimilé le montage très "cut" de Neel et sa mise en scène qui semble consister en une suite de scènes d'exposition épiques, entrecoupées de séquences d'élévations à la gloire de sa super star et de son personnage de tueur poseur fauchant ses ennemis comme s'il était la mort personnifiée (ou un démon comme se plait à la rappeler le film), c'est un vrai plaisir sensoriel. Le film gagne d'ailleurs à être revu pour apprécier le sens de la composition de Neel, sa façon de donner de la profondeur à ses plans, son sens du détail également et de la narration visuelle, faisant "dialoguer" différents moments du film, époques, à travers costumes et accessoires, laissant aux spectateurs le loisir de faire les liens... Comme avec KGF, sous ses apparats d'histoire de gangsters on est en réalité dans le péplum mythologique, avec des archétypes plutôt que des personnages, définis par leur style plus que leurs dialogues ; et quand ce sont ces dialogues qui les définissent, c'est parce qu'ils ont du style. La différence avec KGF est essentiellement du côté de la star, et Prabhas est sans aucun doute quelques classes au-dessus de celle des KGF en terme de charisme : il magnétise tout le film, pure véhicule à sa gloire. Et nom de djiou ce que ça fonctionne ! Prabhas sortait de trois flop Bollywood dont le dernier est historique (le risible Adipurush, film indien le plus cher de l'histoire), il avait donc besoin de retourner dans le sud du côté de Tollywood (et un peu de Sandalwood, l'industrie du sud en langue Kannada dont vient le réalisateur, nourri aux films Télougou) pour rétablir son statut Et le pari est réussi, le film est un des gros succès de l'année et rassure sur son pouvoir de star.
Si l'intrigue tient à peu de choses, dilatée au maximum comme les lignes de dialogues du héros (2,33 minutes en tout sur 2h55 de film), avec les habituels retournements de situation et révélations de ce genre de film qui inclut forcément un ou plusieurs flashback (c'est l'outil de suspense par excellence de l'exercice), la présentation compense plus que largement : univers minutieusement élaboré, décors, costumes et accessoires qui en jettent et une galerie de gueules réussies. Et surtout, il y a cette superbe bande son omniprésente qui élève chaque moment clé. Tout ce "build up" de tension épique se résolvant inévitablement par une explosion de violence hyper stylisée où toute la science des "fight masters" du ciné indien (du sud) et de ses cascadeurs peut se déployer dans des ralentis héroïques dignes d'un anime signé Dezaki pour la tension dramatique et du ciné HK pour leur capacité à s'écraser, rouler, rebondir et s'écraser (tout ça dans une même action et dans l'ordre) sur les éléments du décors après une baffe du héros. Je fais un petit aparté ici d'ailleurs : j'ai une liste longue comme le bras de "fight master" (chorégraphe/réa de scènes d'action) du ciné indien et pour Salaar c'est Anbariv qui est crédité (en gros et juste après le réa et le compositeur dans le générique de fin;..), hors ce dernier est en réalité un pseudo pour les frères Anbumani et Arivumani (à ne pas confondre avec un autre fameux duo de frères fight masters du sud, Chella Ram et Chella Lakshman connus sous le pseudo de Ram Lakshman) qui officient dans le ciné du sud depuis des années, ont travaillé sur chaque long de Neel et possèdent une filmo longue comme deux bras avec des succès récents tel que tout les films du LCU (Léo, Vikram ou Kaithi) par exemple... Pour ce qui est de l'action et en particulier les cascades de combat (et les projo/chutes spécifiquement), le ciné indien domine, et quand ça vient ponctuer une séquence d'élévation (montée de la tension dramatique) bien menée, que le héros est un concentré de charisme poseur et que le réalisateur à quelques idées visuelles (et il y en a) à placer ici et là, c'est enivrant, exaltant.
Avec Salaar, Neel cimente son statut de réalisateur AAA qui est plus qu'un faiseur car que l'on aime ou pas, il y a un style spécifique, une touche reconnaissable, tout comme chez Rajamouli (RRR, Baahubali...) qui trône sur l'industrie, Sukumar avec les Pushpa ou Lokesh Kanagaraj avec son LCU...