Arno Ching-wan | 4.5 | Samouraïs, champagne ! |
Ordell Robbie | 4 | Quelques longueurs et affèteries mais une relecture du genre plaisante d'ironie. |
Beaucoup de bonnes choses ont déjà été écrites sur cette série, abordons plutôt les influences et formules appliquées à ce chouette divertissement, atypique mais ni novateur ni rebelle pour autant. Vous avez dit Samouraï Be Bop ??
Oh que oui, et pas qu’un peu mon neveu. Le titre combine « Samouraï » pour le chambara et « champloo » pour un mélange culinaire aussi appelé "Champuru", un plat mixtant tofu, légumes, porc et autres joyeusetés, tous sautés dans une poêle. Beaucoup de variantes existent, d'où une grande diversité pour un plat originaire d'Okinawa, détail ayant son importance puisque ce lieu tient un rôle primordial dans le scénario. Cet alliage de mots nous renvoie directos sans passer par la case départ à « Cowboy » pour le western et « be bop » pour l’espâââce et l’aspect groovy de l’autre série de WATANABE Shinichiro qu'est Cowboy bebop (donc), les anachronismes de SC s’opposant au look rétro-futuriste de CB pour une idée de base ayant manifestement été : « Et si on prenait le pitch de "Cowboy Bebop" à l’envers pour voir ? ». "Samourai Champloo" a débarqué, on est venu, on a vu, il a vaincu.
Ce que les détracteurs reprochaient à CB, ils le reprocheront également à SC, à savoir un fil rouge beaucoup trop ténu n’entraînant que peu d’accroche à la fin de chaque épisode. On parle de la recherche du « samouraï qui sent le tournesol » au premier épisode (pas plus que dans cette phrase d’ailleurs), puis un peu au milieu, ça servira l’excellente conclusion durant les derniers épisodes, mais à part ça nada. Pire, on sent carrément que les scénaristes s’en foutent comme de la couleur des bigoudis de ma belle mère, relançant la machine de temps à autre par un: « Au fait, on en est où avec le samouraï qui sent le tournesol ? », une petite piqûre de rappel épisodique légèrement appuyée par un tracé des déplacements de nos héros sur une carte. Ca n’est pas sans évoquer la mini trame de CB, axée sur le passé de Spike, des flash-back qui nous transportaient dans un Belfast imaginaire au sein d'un groupuscule IRA's like via un ressort dramatique lui-même pompé sur celui du Il était une fois la révolution de Sergio Leone. Du recyclage recyclé ? Oui… mais bien. Sans trop s’étaler sur les milles et une influences de SC (*), le Zatoichi de Kitano et surtout le Ghost Dog de Jim Jarmush méritent largement d’être cités. Tous deux revisitent le mythe des samourais en le mettant aux goûts du jour, fusionnant plusieurs genres à priori opposés pour obtenir un tout plus ouvert au métissage cinématographique, courant auquel participe modestement Samouraï Champloo: il arrive après.
Comme dans CB, les personnages priment sur la trame. Chacun a droit à son petit secret personnel dévoilé au fil de la saison avec force mystère, l’accroche réelle de cette série se révélant être la dépendance du spectateur à ces personnages. Ceux-ci dans leur ensemble et par leurs relations évoluent comme dans CB, le gimmick du ventre affamé gargouillant entre deux missions est même carrément repris. Dans la même logique, tout est laissé en suspens autour de ce « trio amoureux », tant les aspects hétérosexuels qu’homosexuels soit dit en passant. Là où le clonage devient plus gênant, c’est lors de cette séquence où Mugen menace de mourir noyé (ep14- "Dark Night's Road - Misguided Miscreants Part 2"). Cette scène, où son coma côtoie ses rêves alors qu'il sombre dans l'océan, mélange une musique tripante à des flash-back sur son passé, un passage au contexte 100% identique à celui de l’épisode 5 de CB lorsque Spike tombe du haut d'une église (le cultissime "Ballad of fallen angels"). Autant dans les deux cas c’est formellement somptueux, autant dans SC il y’a une redite qui minimise considérablement le potentiel dramatique de l’instant.
Mais fermons là le clapet de l’avocat du diable, car en tant qu'enchaînement de superbes courts métrages, la série se pose là. SC se cherche un peu au début mais ensuite la série s’élance et c’est bel et bien quand elle choisit d’exploiter à fond son concept qu’elle arrache tout sur son passage. L’épisode des tagueurs est un petit chef d’oeuvre à lui tout seul (ep18 - "Pen in One Hand, Sword in the Other - War of the Words"), celui du tournoi de base ball est franchement hilarant (ep23 - "Heart and Soul Into the Ball - Baseball Blues") et un autre avec un samouraï à deux balles accompagné d’un ménestrel scratcheur-rappeur également (« Ka-pou-pou-pah !! Dji-dji-dji-dji-jin !! » ep08 - "Self-Conceit - The Art of Altercation"). Enfin, même si le fil rouge est faiblard, les derniers épisodes sont d’une gravité étonnante et forment un long métrage soufflant s'offrant carrément le luxe de se suffire à lui-même, s'écartant cette fois très peu du chambara classique afin de conserver un ton très premier degré pour conclure le show.
Les scènes de combat sont magnifiques, certains moments ont une ampleur dramatique magistrale, d’autres sont poilants, les personnages sont attachants, la BO est d’enfer... Quand s’arrête la série au bout de seulement 26 épisodes, on a du mal à croire qu'on ne verra plus Mûgen tournoyer dans les airs, que le peu bavard Jin n’acquiescera plus sur tout et n’importe quoi de ses « mmh » stoïques et que Fuu ne triplera plus de volume après s’être remplie la panse. Problème: on en redemande. La solution? En suivant notre logique et comme pour Cowboy Bebop : le film, espérons un "Samouraï Champloo : le film" qui devrait s'insérer sans trop forcer entre les épisodes 22 et 23 de la série...
(*) A propos du personnage de Mugen et de sa (ses) technique(s) de combat, outre en effet les emprunts à la Capuera on peut noter quelques similitudes avec celles du personnage de Gennai dans le chambara Roningai, une furie portnawak déjà bien dévastatrice.