Ghost Dog | 3.5 | Après l'Oliver Twist londonien, le Kid américain et le Pixote brésilien, voici ... |
On peut parler de ce film comme d'une perle rare; débuté en 1948 sous l'ère nationaliste de Tchang Kai-Chek et achevé en 1949 sous l'ère communiste de Mao Zedong, il a connu bien des remous autant lors du tournage (manque de moyens, interruptions dûes à la révolution) que lors de sa sortie ( le scénariste a passé 10 ans en prison ...) . Réédité en 1995 par Haxan et Les Films de L'Atalante, il est donc désormais visible par les spectateurs français tout du moins.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne peut laisser indifférent. San Mao, le jeune héros au physique disgrâcieux, - nez en forme de patate, coiffure assez ridicule - , se balade dans les rues de Shanghai à la recherche de la moindre miette de pain pour ne pas crever de faim. Et il a fort à faire face à une meute d'adultes loin de compatir à son sort et ne lui épargnant aucune humiliation: refus de lui offrir un bout de pain, insultes, coups. Le pire, c'est qu'il n'est pas le seul dans ce cas. Des dizaines, des centaines, des milliers de gosses abandonnés, orphelins et affamés, hantent les rues de la ville; certains sont récupérés par des voyous, qui les transforment en une bande d'esclaves pour qu'ils travaillent à leur compte gratuitement... Mais San Mao est bien trop libre, bien trop rebelle pour rentrer dans le moule et se laisser posséder aussi facilement. Alors il n'hésite pas à crier bien fort dans les manifs, à se battre contre plus grand que lui ou bien à parler violemment à des bourgeois sans aucune gène après avoir tout cassé chez eux avec ses copains.
Outre la description amère d'une frange de la population laissée pour compte dans la Chine d'après-guerre, qui est d'autant plus choquante que ce sont des gosses, Zhao Ming montre également à quel point cette société peut être hypocrite et cruelle. Qu'on regarde cette scène magnifique où des jeunes chinois paradent bien habillés pour la fête de l'enfance, et où les hauts-parleurs clament qu'il faut bien nourrir ses enfants car ils sont le futur de la Chine. San Mao et ses copains assistent ravis à cette grande festivité, mais quand ils décident de se joindre au défilé en chantant et rigolant, ils sont vite ramenés à la raison par une horde de policiers bien armés... Il y a « enfants » et « enfants »...
Le film se clôt sur la victoire des communistes de Mao Zedong et la ferveur populaire qui s'exprime dans les rues. On quitte San Mao sur ses images de liesse en le laissant à ses quelques instants de bonheur et surtout d'espoir, mais au fond de nous on ne peut s'empêcher d'être plus que pessimiste sur son avenir... En tout cas, le visage de ce petit chinois est loin de s'effacer de nos mémoires!