Ordell Robbie | 3 | un film où l'on sent la patte de Liu Chia Liang |
Dans ce troisième volet de la série de Chang Cheh consacrée à Shaolin, on a l'impression que c'est Liu Chia Liang qui a pris le pouvoir. Certes, le fil conducteur narratif est le désir de vengeance, thème phare de Chang Cheh. Mais le traitement du film fait malgré tout le plus souvent penser à ce que sera la kung fu comedy. Ici, les entrainements martiaux, les brimades que font subir les maitres à leurs élèves occupent une grande partie du récit: entrainements contre des plaques en bois ou pour faire s'effondrer un mur, caractère impassible des maitres poussant leurs élèves à se surpasser dans la maitrise des techniques martiales et une poignée de chorégraphies en plein air qui n'auraient pas dépareillé dans un Eagle's Shadow. Au cours de toutes ces scènes d'entrainement, point du style de réalisation baroque des scènes de combat de Chang Cheh. Quand un zoom se dévisse, quand la caméra fait un gros plan, c'est pour mettre en valeur l'effort sportif et la maitrise de soi exigés par la discipline martiale. Liu Chia Liang n'hésite pas par moments à poser la caméra, à créer la durée et en cela une grande partie du film reflète son désir de pédagogie des arts martiaux. Quant aux passages concernant les personnages féminins, ils sont un peu moins imprégnés de la misogynie de Chang Cheh et ont une certaine dimension comique qui nous rappelle que l'humour cantonnais n'a jamais fait dans la dentelle: les multiples jets de seau d'eau d'une des jeunes femmes fascinée par les pratiquants, le coté gentiment midinette des personnages féminins qui est certes stéréotypé mais change un peu du traitement pas très gratifiant des femmes chez Chang Cheh (humiliées quand elles ne sont pas responsables de la déchéance de ses héros). Le début du film avec sa scène de l'humiliation de l'école Shaolin par les experts Mandchous ainsi que les combats contre une profusion de figurants ponctués d'effets saignants portent par contre la marque de Chang Cheh de meme que l'ampleur en scope des scènes intimistes. Mais c'est surtout lors de la vengeance finale que l'on retrouve pleinement sa patte: si cette dernière partie n'utilise pas le thème du survivant qui n'en finit pas de mourir, l'utilisation de filtres monochromes et les effets gore permettent à la barbarie habituelle à son univers de se déployer totalement. Quant à Gordon Liu, s'il est ici bon acteur, il est loin d'avoir acquis le charisme qu'il déploiera chez Liu Chia Liang. Quant à Alexander Fu Sheng, il est bon comédien mais a du mal à faire oublier hors des scènes d'entrainement un Chen Kuan Tai mystérieusement absent du tournage de cet épisode. On pourrait également reprocher au film de ne pas assez développer la dimension politique de son sujet.
Au final, le film ne souffre pas trop des conflits Chang Cheh/Liu Chia Liang meme si on a le plus souvent l'impression de voir deux films se juxtaposer. Si ce film n'atteint pas les sommets des meilleurs Chang Cheh, il est cependant réussi. Et le fait qu'il préfigure tout un genre lui donne une importance historique