François | 4.5 | A simple movie |
Xavier Chanoine | 3.75 | Intouchables |
Anel | 3 | |
Ordell Robbie | 2.5 | Oublie de transcender son sujet à force d'éviter ses pièges. |
La création de A Simple Life est intéressante. Roger Lee, scénariste et producteur du film souhaitait qu’Ann Hui mette en scène la relation très forte qu’il eut avec celle qui s’occupait de lui et de sa maison, surnommée Tao Jie (littéralement grande sœur pêche). Pas une servante à proprement parlé, ni une femme de ménage, mais une véritable « tatie » très concernée par la vie de son employeur. Pour incarner le rôle de Roger Lee, Andy Lau fut rapidement contacté par Ann Hui, lequel apporta son soutien même si, à première vue, le film n’avait rien de très commercial. Et pour incarner la tatie, Deannie Yip, qui n’avait pas tourné depuis plus de dix ans. La mise en place du projet est un petit miracle car sans l’aide d’Andy Lau, ami et collaborateur occasionnel de la cinéaste depuis plus de vingt ans, le film n’aurait très sans doute pas vu le jour faute d’un budget suffisamment conséquent. Mais l’aura exceptionnelle de la cinéaste, son énergie et vraisemblablement son pouvoir naturel de conviction ont permis de rassembler une équipe de qualité, comptant Yu Lik-Wai à la photographie, des jeunes acteurs et illustres figures du cinéma HK avec les caméos sympas de Sammo Hung (charismatique même lorsqu'il commande au restaurant) et Tsui Hark, comme ceux plus discrets mais adorables pour le clin d’œil de Raymond Chow et sa femme ou encore Stanley Kwan.
La réunion de ces talents est certes pour le clin d’œil et parce que le film s’y prête, après tout Roger Lee travaille dans le cinéma, mais est surtout la marque d’une réelle confiance envers la cinéaste, la plus grande de Hong Kong, qui année après année sort ce qu’elle souhaite sortir quitte à s’attirer les foudres de certains (on repense à Night and Fog en 2009) ou faire des œuvres plus commerciales pour attirer le grand public et gagner son pain (All About Love l’année suivante). Contraire absolu d’un Wong Kar-Wai, vieille chouette incapable de réaliser un film en moins de cinq longues années, Ann Hui prouve qu’avec trois fois rien il est encore possible d’atteindre le haut du panier du cinéma HK sans trop sourciller. Et avec un pitch pareil, un appartement et un hall de clinique spécialisée en guise de décors principaux, la performance est remarquable. Pourquoi ? A Simple Life fonctionne parce que acteurs concernés et grande directrice d’acteurs ne font qu’un. C’est ce qui emmènera le film là où Ann Hui souhaite, c’est-à-dire mettre en scène les deux acteurs principaux et une octogénaire sur le même pied d’égalité, sur le même niveau de performance, de justesse émotionnelle. Le regard perdu de celui qui incarna le détective Dee chez Tsui Hark et l’évacuation de la plus ancienne occupante de la clinique sont autant de moments forts que de symboles. A Simple Life, c’est avant tout, au-delà de son histoire très banale, un magnifique moment humaniste. Pas bien aidé par la vie (la vieillesse n’est pas toujours très jolie), mais ô combien vrai. Que ce soit cette chanteuse pop à la noix incapable de montrer le moindre signe d’empathie pour ceux pour qui elle vient chanter, ou encore ce quémandeur d’argent faisant mine qu’il est dans la dèche alors que c’est pour aller tirer son coup journalier, tous représentent à un moment ou un autre, le reflet de notre société. De simples humains avec leurs forces et faiblesses. Ou uniquement leurs faiblesses, on s’en fiche.
Alors que la production hongkongaise hésite entre impératifs financiers entraînant inébranlablement une coopération avec la Chine continentale et recherche d’une véritable identité artistique, Ann Hui continue son petit bonhomme de chemin en gardant une ligne droite et claire, dessinant dans son sillage de belles choses, les plus simples, celles que le cinéma hongkongais attendaient.