Ikari Gendo | 4 | Ah ! L'adolescence… |
MLF | 2.25 | Ecouter ou voir |
Pas d'action trépidante, pas de prince, pas de guerre, pas d'écologie pour l'un des Ghibli les plus méconnus, mais pas le moins réussi !
Ah ! Les premiers amours de l'adolescence ! Les doutes, les premiers émois… C'est beau, c'est frais, c'est pur, c'est tendre… Une histoire douce et belle, pleine d'espoir, une vision peut être un peu idyllique de la vie mais au combien agréable et rafraîchissante ! Jamais on ne ressent l'aspect très artificiel et la lenteur dont souffre beaucoup de mélos, cet anime sait être touchant, toujours juste.
En plus de cette agréable histoire avec des héros finalement très ordinaires, on notera également l'attachement à l'artisanat, au travail bien fait, à la perfection… Autant de valeurs qui sont à la base du succès de Ghibli, qui privilégie toujours la qualité et n'est jamais entré dans une logique totalement commercial…
Un film porteur de sens et d'amour sous le couvert d'une histoire qui pourrait sembler osciller entre le banal et le mièvre à la seule lecture d'un résumé, mais qui se révèle belle à croquer… Si l'on vient nous dire après ça que les animes Japonais ne sont que sexe et violence…
Le tout bénéficie de dessins réalistes et détaillés pour les scènes de la vie quotidienne, tout en sachant insuffler une part de magie et créer des mondes féeriques et magnifiques dès que l'occasion en est donnée (rêves, roman…). Il est vrai que ces dernières scènes peuvent apparaître un peu re-scotché au reste de l'histoire, qu'il manque un peu de liant, mais que c'est beau lorsque l'équipe du film laisse libre cours à son inspiration et à sa fantaisie ! D'une réalisation impeccable, ce film est à l'image de tous les Ghibli : d'un extraordinaire niveau technique ! Ajoutons à cela une musique très sympathique et mignonne comme tout pour obtenir un anime aux qualités évidentes !
Si tu tends l’oreille, de son titre français est criant de naïveté. La naïveté peut, dans certains cas, être une qualité car elle donne naissance à un univers magique auquel il faut adhérer de manière spontanée, volontaire et, d’un coup entier. La naïveté active est cette aptitude à placer les êtres dans un état émotif de crédulité qui leur donne accès à un monde jusque là interdit. C’est un pré-requis, une condition préalable et sans laquelle nous ne pourrions investir le film de nos affects.
C’est toute la question de la vraisemblance qui se pose ainsi. Comme le cinéma fantastique possède son univers, comme le film noir possède ses codes, comme la science-fiction possède ses objets, les films Ghibli possèdent leur naïveté qui font que les enfants (mais aussi les plus grands) s’émerveillent en voyant apparaître Totoro. Aucun d’entre nous ne s’est braqué en s’indignant devant un animal fantasmatique ou le chat-bus. Nous concédons bien volontiers et avec un grand plaisir ces extravagances qui donne vie au petit monde qui nous fascine.
Seulement, la naïveté peut avoir une consonance creuse comme c’est le cas ici. A ce niveau là, on nous prend pour des ânes. Aux abords de Tokyo, un réseau relationnel fait que tout circule en milieu fermé. Quatre personnages se croisent régulièrement en tous lieux et à toutes heures sans aucune influence du monde extérieure. Quelques voitures rythment un peu les traversées de rues, mais Tokyo prends des airs de petites villes de provinces. Les protagonistes ont une douzaine d’années. Leur âge est des plus difficiles à estimer car leurs préoccupations des plus adultes (avenir, profession, amour, mariage) sont aborder avec la crédulité de gosses de huit ans. C’est finalement via l’examen sur table que l’on peut identifier l’âge de ces petits hommes.
Au fond tout est bête mais pas méchant, dans ce film d’animation dont l’histoire est parfaitement inintéressante, jusqu’au chat qui se retrouve partout et prend le métro. S’ajoute à cela un discours pédagogique sur le travail est la préparation de son avenir d'une démagogie qui laisse pantoie : « tu es comme une pierre-précieuse à l’état brut, il faut que tu travailles ta forme pour révéler tout ton éclat… c’est en toi mais il faut du temps et du travail… ». Bref, ce film est d’un ennuie évident.
Après un tel procès que l’on pourrait presque dire d’intention, il faut relever l’aspect positif du film qui est d’ordre graphique. Commençons par dissocier le décors des personnages, les parties inanimées des parties animées. Les fonds sur lesquels s’animent les petits personnages et véhicules en cellulo sont tout simplement incroyable. Le principe est très clair, Kondo Yoshifumi enracine ses décors dans la matière. Il ne dessine pas un arbre, mais du bois, il ne dessine pas une route, mais du béton, il ne dessine pas une moto mais un mélange de métaux dont les textures se modulent suivant la peinture ou la réflexibilité. La grande magie et toute la beauté de ce film d’animation est dans la sensation de la matière. Un travail de durée et dont la narrativité n’est qu’un subterfuge dont il ne faut pas être dupe. Chaque matière, si elle est belle en soit, acquière un degré de plus à chaque nouvelle exposition, à chaque nouvelle déclinaison. Cet effet de matière, cet enjeu de matière trouve toute sa puissance dans le Baron, petit chat sculpté et fait de matériaux divers que l’on fait réagir à des effets de clair-obscur.
C’est par ce biais, purement visuel, presque figural, que ce film peut séduire. C’est par la magie des formes et des matières, la logique de leur sensation qu’existe ce monde et sa féerie.