C’est une Zhang Ziyi en totale roue libre que l’on retrouve avec joie dans une comédie plutôt idiote signée Jin Yimeng. Produite notamment par les deux puissantes sociétés de production China Film Group et CJ Entertainment, le film affiche rapidement ses ambitions à l’échelle de l’Asie toute entière, et surtout, une Zhang Ziyi que l’on découvre pour la première fois au cinéma dans une tenue autre que celles d’une Chine traditionnelle, presque légendaire, que l’on a pu voir dans ses plus gros succès commerciaux. La plus grosse surprise n’est pas forcément celle de voir l’actrice porter un jean le temps d’une scène d’infiltration dans l’appartement de son ex petit copain, ni même de la voir aspergée d'urine ou ravalant son vomi, mais bel et bien de la voir évoluer dans une pure comédie romantique contemporaine. Avec Sophie’s Revenge, l’actrice prend elle-même sa revanche sur une carrière linéaire qui l’a très souvent montré sous un même jour, celle d’une enfant effacée ou parfois garce même avec des années de plus au compteur. Ici, elle évolue avec panache et maîtrise dans une comédie surprenante de par son rythme et ses fantaisies visuelles, bien que son absence totale d’originalité et de nouveautés l’empêchent d’être une comédie romantique marquante, la plastique aujourd’hui ne pouvant plus sauver un film sans ambitions autres que celles de divertir purement et simplement. A côté, le Love Actually de Richard Curtis ne révolutionnait pas le genre, mais proposait une structure très ouverte avec son grand nombre de vignettes différentes se déroulant en temps réel. Sophie’s Revenge a beau être coloré et bourré de raccords surprenants, il n’en reste pas moins qu’un récital de tout ce que l’on a déjà vu dans le cinéma romantique de base. Prenons l’exemple de ces éternelles discussions clés interrompues au dernier moment par un coup de téléphone où par l’apparition d’une personne extérieure gênante, empêchant les protagonistes de confier ce qu’ils ont réellement sur le cœur. Ce procédé pas tout à fait nouveau est bien trop souvent utilisé pour être interprété comme un gadget ou clin d’œil au genre, il fait plutôt office de dernier recours pour relancer indéfiniment l’intrigue et les scénettes déstabilisantes. On a connu plus inspiré.
D’un autre côté, l’intrigue totalement décomplexée impliquant Sophie dans tout un tas de stratagèmes vicieux pour récupérer son copain et mieux le rejeter, permet d’incorporer au récit des personnages tantôt séduisants tantôt superficiels jusqu’à l’excès : les deux conseillères et meilleures amies de Sophie, Lucy et Lily, forment une bande de joyeuses délurées à la limite d’être frivoles, tandis que le type qui leur sert de chippendale raté le temps d’une mission provoque plus de rires par ces gestes associés à un bruitage que parce qu’il représente au fond. Les beaux gosses superficiels narcissiques ne sont pas ce qu’il manque au cinéma, encore moins à la comédie romantique. Pourtant, l’humour est momentanément efficace car le mixage sonore et le montage s’occupent du reste. On mettra donc la réussite humoristique du film du côté des techniques de mise en scène et de mise en forme plus qu’autre chose, au grand désarroi des fans de Zhang Ziyi qui espéraient la voir plus convaincante et moins calquée sur son personnage de jeune femme malchanceuse, manipulée et aigrie du fait de sa séparation avec Jeff, personnage interprété par un So Ji-Seob au charisme à peu près honteux. Le collaborateur d’un temps de Sophie, Gorden, n’est pas non plus convaincant mais reste plus présent et impliqué dans l’intrigue. A force d’être aux petits soins de cette fille désemparée, il en tombera amoureux malgré lui, avant d’être au centre des débats en fin de métrage via un twist négocié à la dernière minute plus opportuniste que réellement étudié. Et aux personnages en question de se justifier, telle est la principale erreur du métrage : avec une telle liberté d’action, Sophie’s Revenge aurait à la limite dû se terminer dans un bain de sang et de cris, bobine hystérique et carrément vénère se muant en guimauve de Noël toute molle. L’œuvre n’a donc d’intérêt que pour voir une Zhang Ziyi toujours aussi ravissante et pleine d’entrain, bouleversant davantage ses choix artistiques –elle officie pour la première fois dans une comédie romantique contemporaine et en tant que productrice- que celui d’interpréter un personnage résolument nouveau. Sa fraîcheur, intacte, ne sauve hélas pas cette comédie anticipable à des kilomètres en dehors de ses tics formels virtuoses réjouissants, mais démontre combien la cinéaste Jin Yimeng maîtrise plutôt bien les codes de la comédie populaire facile. Une qualité en soit.
Sophie's Revenge est clairement bidon. L'esthétique est tellement poussée dans les stéréotypes que c'en est presque ridicule : Sophie est complètement barrée, donc son appartement est composé de meubles aux formes extravagantes et aux couleurs criardes (orange, rose, rouge en tête), alors que Jeff, son ex-fiancé, posé et calme, vit dans un appartement super propre, aux murs et sols laqués, tout de noir et de blanc. Ou comment ouvrir une porte ouverte avec un bélier. La Sophie en question, dans toute la splendeur de son cerveau complètement barge, va monter un plan pour que son ex-copain, qui sort avec la star de ciné Anna, regrette de l'avoir quittée, et revienne vers elle pour qu'elle puisse l'envoyer balader. Pour cela, elle s'aide d'un photographe taïwanais qui sort d'une relation houleuse avec... Anna. Finalement, l'histoire n'est rien d'autre qu'une comédie assez potache avec une fille qui se rend compte au fur et à mesure qu'elle se trouve plus de point en commun avec le photographe qu'avec le mec qui l'a larguée et qu'elle essaie de ramener à elle. Après avoir vu le film, on peut se poser la question du choix de So Ji-seob dans le rôle de l'ex, étant donné que sa nationalité coréenne n'intervient en rien dans l'histoire (surtout qu'il a l'air de parler très très bien chinois). Evidemment, la seule raison est purement économique, le film ayant été financé par CJ et évidemment et sorti en Corée (So Ji-seob y étant très connu). De plus, même talentueux, il est cantonné dans un rôle totalement inintéressant et insipide, ce qui n'arrange rien à l'histoire. De son coté, Zhang Ziyi écope d'un rôle où l'on ne la voit pas souvent, dans le sens où elle ne met pas un seul coup de pied (sauf dans l'intro mais ça compte pas), et qu'elle est beaucoup plus moche que d'habitude, évidemment pour devenir de plus en plus belle au fil de l'histoire. Elle surjoue, histoire de coller avec l'ambiance générale, et ses deux amies sont à mettre dans le même sac, avec la fille frivole et la femme mariée et jalouse (en gros les deux gros extrêmes qui donnent des conseils extrêmes). Bref, une comédie assez drole mais sans originalité particulière.
L'industrie cinématographique chinoise fait de pas de géant dans son actuelle conquête du marché local, asiatique et plus généralement mondiale. Voici donc venir l'une des toutes premières grosses coproductions entre la Corée (toujours à l'affût de la moindre chance d'exportation en marge de sa présence au Cambodge, au Vietnam et en Thaïlande) et la Chine dans un projet chaperonné par la star internationale Zhang Yiyi, qui s'est investi à toutes les étapes du film et a très certainement su faire profiter l'équipe technique de sa propre expérience avec les Etats-Unis notamment.
"Sophie's revenge" est une comédie romantique ultra formaté, qui puise autant dans la profonde expérience coréenne dans ce type de produits, que dans son grand modèle, l'Amérique ("Addicted to love" someone ?!!). Le résultat, forcément nunuche et attendu, distancie pourtant de très loin d'autres tentatives récentes du même type, dont l'affligeant "All about women". Les personnages sont rapidement identifiables, les situations comiques nombreuses et le happy end bien au rendez-vous après le classique ultime rebondissement absolument pas prévisible (bien que finalement très peu important).
Le casting est généralement très bon avec des nombreux caméos de vedettes (la top-model Jacquéline Zhao) et techniciens (du film) avec une mention spéciale pour Zhang Yiyi, qui réussit le tour de force d'incarner un personnage contemporain crédible, très loin de ses figures historiques généralement interprétées et de sa personnalité d'hyper chieuse dans la vraie vie (et je peux en témoigner pour tenter de l'avoir interviewé pour "The Banquet" il y a quelques années). Elle minaude à loisir, réussit à faire preuve d'une large palette d'émotions et à tenir un timing comique indispensable à ce type de productions. Les gags sont également nombreux et variés, depuis des jeux de mots intraduisibles, en passant par les sempiternels malentendus, des gags lourds et vulgaires jusqu'à la délicieuse situation vaudevillesque, où Sophie est obligée de trouver els cachettes les plus improbables dans l'appartement investi par son ennemie jurée rentrée plus tôt que prévue.
Le trait est volontairement grossi avec des décors, costumes et personnages mille fois grossis, versant parfois même dans un côté slapstick manga-esque, volontaire pour celui qui connaîtrait déjà l'univers de la réalisatrice Jin Yimeng (aka Ema Jin, réalisatrice d'un premeir "Dinner, Sailfish", aka Eva Jin, pseudi pour la réalisation de "Sophie's Revenge" et par ailleurs musicienne et auteure de trois BD publiés en 2001).
Le film réussit même le tour de force de filmer une ville imaginaire (tournage repartie entre Pékin et Tianjin) fort semblable à un New York contemporain avec des putain d'apparts grandioses, habités par des jeunes gens plus riches que nature, des rues désertes, une neige blanche comme de la coke, des feuilles d'automne parfaitement disposées dans des parcs là encore vides et toujours un seul et même taxi de la même marque de voiture, qui va et vient selon les besoins des protagonistes. L'Amour ne peut décidemment résister à toutes les épreuves de la vie que dans un monde parfait fait de guimauve et de carton-pâte.