Quand désordre sans nom rime avec Cool...
Ce troisième volet d'une série conçue par la Nikkatsu au début des seventies pour tenter de cibler le jeune public avec son cocktail jeunes femmes pas du tout soumises/bastons/scores rock'n'roll est typiquement le genre de films qu'on veut bien aimer seul contre tous et surtout contre ceux qui évoqueraient ses défauts cinématographiques. Pourquoi? Parce que c'est cool. Et pour d'autres raisons encore...
Raison à la fois objective historiquement et personnelle d'abord: Kaji Meiko. Ce role fit d'elle une star en tant qu'actrice et en tant que chanteuse et elle commence à y mettre en place ce qui sera son personnage cinématographique, celui d'une femme sure d'elle, glacée et déterminée. Bien sur, ce rôle n'est pas à la hauteur de ses meilleurs roles surtout qu'elle est censée jouer une adolescente. Le reste de la bande est aussi censé etre des adolescentes mais est joué par des adultes. Passons là dessus, le film a de bonnes raisons de se le faire pardonner... Mais elle a assez de présence néanmoins pour que chaque moment où elle est dans le cadre ait un minimum d'intéret cinématographique (pour moi en tout cas...). Surtout, elle porte ses fringues très fin de sixties avec une classe qui est la définition-même de la rock'n'roll attitude.
Tiens justement puisqu'on en est aux fringues so sixties, voilà un autre raison subjective de trouver un tel film jubilatoire: son parfum pop d'époque. Le film est d'abord là pour flatter l'amour de la jeunesse de son temps pour le rock et ne s'en prive nullement en multipliant les scènes en discothèque et les scènes chantées: le garçon-clé du film arrive dedans en chantant a capella avant que l'orchestration ne suive, les groupes pop font hurler les guitares sur la scène d'une discothèque, des danseuses y effectuent une chorégraphie so sixties et so pop et un duo y est chanté avant le triste final, c'est à la limite du clip psychédélique mais cette partie-là du film est pour beaucoup pour lui donner son quota de cool attitude.
Du coup, on veut bien pardonner pour cette raison-là le caractère foutraque du scénario, caractère qui est un autre des charmes du film vu qu'il donne des idées entre jubilatoire et gros n'importe quoi: l'interruption d'une partie de gang bang à coup de cocktails molotov, la course entre un garçon à pied et des voyous en jeep, le voyou qui n'aime pas les métisses pour cause de traumatisme freudien, le gang qui décide de faire la guerre aux métisses et au Coca Cola, tout ceci fait partie du n'importe quoi qui offre au film les ruptures de ton qui peuvent donner sa saveur à un bon divertissement. Et cela vaut bien qu'on pardonne des personnages développés au hachoir (ça parle de quoi au fait? Mako est amoureuse du Baron, leader charismatique d'un gang nommé les Eagles; l'homme de main du Baron est amoureux de Mari, membre du gang de Mako, mais Mari est amoureuse d'Ichiro; Ichiro a le tort d'etre un métisse et les Eagles n'aiment pas les métisses...).
Ce genre de choses, on le pardonnera vu que le film remplit haut la main son contrat au chapitre fun (en changeant de ton in extremis sur la fin pour finir en étant un peu émouvant). De l'attaque contre la présence américaine au Japon et sur la difficulté d'être métissé dans la société japonaise circule de plus en contrebande ici, sans doute sous l'impulsion du coscénariste Yamatoya Atsushi (1). Parfois avec une démagogie digne du category 3 HK avec ces personnages américains réduits à des figures ne désirant que coucher avec les autochtones. Le désir des concepteurs du film d'exploiter la notoriété des Golden Halfs, groupe de rock formé de métisses très populaire à l'époque au Japon, est parfaitement utilisé par Yamatoya pour ajouter au film la cerise politique explosive faisant la charme du cinéma d'exploitation nippon seventies. Mais venons-en au chapitre style: le goût pour les chromas outrés provient de l'ancien mentor d'Hasebe, Suzuki Seijun; on trouve aussi du grand angle utilisé judicieusement et du gros coup de zoom seventies pas trop brouillon. Et puis il y l'idée du changement passager de format de l'écran dont l'utilisation par Hasebe est une vraie leçon de bon maniérisme: elle crée de l'intimité lors des scènes en discothèque et renforce l'impression de chaos lors d'une baston en intérieur.
Bilan? Une déflagration cinématographique fraiche comme au premier jour, un divertissement hautement efficace rayon fun et un bon parfum d'époque. Pour cela, beaucoup sera pardonné au film.
(1) Figure du cinéma japonais indie des années 60 qui cotoya Wakamatsu et Adachi, coscénarisa La Marque du tueur et réalisa en 1967 Inflatable Sex Doll of the Wastelands.
La surprise, la claque dans la gueule. Je ne m'attendais pas à ça au vu de ce que je connaissais de ce réalisateur. Ce film parle des métissages douloureux de l'après guerre, dans un foutoir funk et exploitation des plus jouissif. Mais le thème ne se dissout pas, non, non, non ce n'est pas juste un film cool et stylé. Le thème par sa rareté, et son côté "primaire" fonctionne réellement. Et ça déchire.
Le réalisateur s'est trouvé une équipe technique réellement compétente, et c'est plus fin que "stray cat rock, girl boss"...
un film agréable bien que relativement anecdotique: on en garde un bon souvenir et une bonne cote de sympathie grâce à une ambiance cool, 60's et magnétique (KAJI Meiko n'y est pas pour rien). La réalisation est dynamique, pas mal de portée sans que ça devienne illisible, quelques effets de style, une belle photo d'époque avec des images joliment colorée et contrastées.
Là où le film perd des points c'est que le scénario est assez quelconque et que les scènes "piquantes" manquent encore un peu d'outrance, alors que dans ce style de film pop ça serait très bien passé. Le côté exploit n'est donc pas vraiment assumé et j'imagine qu'avec un peu plus folie bis ce film aurait fait partie de mes coups de coeur 70's, période cinématographiquement magique s'il en est.