Heuh... joker!
Allez, j'avoue : j'ai dormi et je ne suis pas sûr du tout de l'histoire qu'on m'a raconté. Mais je m'accorderai beaucoup de circonstances atténuantes et considèrerai que je suis un peu passé à côté de ce film. Je serai plutôt prêt à adhérer avec la critique ci-dessus, met une note d'estime et me jure de le revoir pour, je l'espère, la sortie en salles.
Cool, zen, lexomil...
Epatant réalisateur de Syndromes and a century, AW signe avec Blissfully yours une oeuvre logique mais à l'intérêt discutable. Logique dans sa trame, car il est vrai, que peut-on faire de plus que somnoler, se raconter des histoires, chahuter ou faire l'amour dans une forêt tropicale complètement coupée du monde? Cela peut paraître risible aux yeux de certains, mais AW ne franchit jamais la limite du film prétentieux dans la mesure où il ne va pas plus loin que la réalité, celle de zoner pendant 1h20, sans rajouter d'éléments discutables, intrigue vaseuse ou propos incohérents avec le contexte : tout n'est que contemplation. A défaut de Syndromes and a century, Blissfully yours fait l'impasse totale avec les codes du cinéma que l'on connaît, que l'on a l'habitude de voir. Son dernier film récompensé à Deauville est donc d'avantage accessible car muni d'une véritable trame, complexe et aux lectures différentes. Blissfully yours nous donne la possibilité d'épier les quelques conversations que s'échangent Roong et Min, point barre. Pas de score d'accompagnement, le travail du son étant principalement axé sur les bruits ambiants, pas même de travail de mise en scène ni de direction d'acteurs, tout reposant sur le naturel au sens propre et figuré; et Blissfully yours s'en contentera car le contexte le demande.
A cheval entre le documentaire (les premières quarante-cinq minutes font office de présentation des personnages, de leur milieu social) et le mélo intimiste séparés par le générique (seul élément de transition), le film de AW fonctionne à l'improvisation et aux gestes naturels des protagonistes. La partie dans la jungle révèle alors leurs instincts primitifs, sexuels et désabusés (le sexe est l'action), en témoigne cette séquence guère anodine lorsqu'après avoir fait l'amour, Orn se fait retirer des saletés de ses cheveux par son époux, comme l'aurait fait un singe. Alors certes Blissfully yours possède des niveaux de lecture bien différents selon les affinités de chacun (néant cinématographique pour certain, orgasme écologique pour d'autres), on ne peut pas s'empêcher de bailler et d'accompagner les acteurs dans leur sommeil. C'est pas plus mal, l'expérience est sympa, vraiment.
Plus très frais...
On se souvient encore de notre découverte de Blissfully Yours dans la foulée de la rumeur cannoise ultraélogieuse. On se souvient également avoir été emporté sensoriellement par le film de celui qu'on appelait pas encore Joe et avoir crié au nouvel OVNI venu d'Asie. On se souvient avoir pensé qu'on avait pas vu ça depuis Eureka. Mais plus on y repensait avec le temps, plus on trouvait ça poseur. A l'époque, les dessins du film et le fameux générique de milieu de film nous avaient déjà semblé du différent pour faire différent. Bien moins aboutie que celle de Tropical Malady, l'approche sensorielle ressemblait à du cliché formel de cinéma asiatique de festival circa années 90. Et le script n'était finalement de la mise bout à bout deux films de festival: une première partie en forme de cinéma du quotidien avec option longs plans séquences contemplatifs, une seconde partie en forme de film érotique avec façade formelle auteurisante. De toute manière, on n'a plus envie de reparler de Blissfully yours. Juste de se souvenir que c'est avec ce film qu'on a découvert un cinéaste aussi prometteur que son nom est imprononçable.
Sensualité à fleur de peau
Rarement les sensations de caresses, de chaleur, de transpiration, de lascivité, de bien-être et de douleur intérieure auront autant réussi à transpercer un écran de cinéma pour envahir le spectateur. Il faut pour cela se laisser pénétrer par la tranquillité et la contemplation dégagée par Blissfully Yours. Dans la première partie, les personnages se mettent en place doucement : Min, un jeune birman clandestin atteint par une maladie de peau étrange, Roong, une jeune thaï amoureuse de Min qui s’ennuie dans son atelier de confection, et la mère de Roong qui songe à l’adultère. Dans la seconde, suite à un générique de début que l’on attendait plus et qui peut signifier que le film/la vie commence réellement dans la forêt loin de toute contrainte matérielle, les éléments naturels comme l’eau, le soleil, les insectes et la végétation forment un tout harmonieux avec les corps et les âmes des humains venus se ressourcer, venus quitter un monde qui ne leur correspond plus. Une pure beauté s’empare alors de ses images qui prennent leur temps, qui donnent à écouter les bruits de la terre en limitant au maximum les paroles, et on se sent bien. Ca pourrait durer des heures que ça ne gênerait pas le moins du monde, une sensation indescriptible que l’on vit très peu souvent devant un film. Rien que pour ça, il faut tenter l’expérience.
dans la chaire du cinema
Cela commence comme un film contemplatif, c'est simple, le rythme suit le celui des personnages, enfin des personnes, enfin des gens, enfin, du décor. bref. On se dit que c'est doucement agréable, gentil , peut-être meme qu'on irait bien en tailande cet été... Un bon moment au cinema... et puis petit à petit, sans qu'on y prenne garde, enfin si (y a le generique planté là...), la bande son s'installe, sourde, la narration devient rare, accidentelle, la peau, la chaire, l'image affleurent. on entre dans le materiau, dans la texture de l'image, dans ce qui constitue le plan, pas ce qu'il représente, juste dans ce qu'il est, là. comment rendre a l'ecran le rien, l'indicible, l'interstice? le temps.
Mouais... c'est pas le tout, ça !
Blissfully Yours a des testicules, c'est vrai: oser accumuler les plans fixes où il ne se produit rien de particulier d'une durée moyenne de dix à quinze minutes durant deux heures de métrage, pas tout le monde n'en aurait eu l'audace. Le problème réside dans le fait qu'avoir de l'audace ne suffit pas à faire un film. Et ce qui se révèle en quelque sorte paradoxal, c'est qu'on ne peut un instant reprocher à tout ceci de sombrer dans la prétention. On en vient juste à croire que ce film a été tourné dans l'unique but de plonger le spectateur dans le gouffre de la léthargie. Drôle de gage, mais au demeurant réussi. Difficile de ne pas finir par craquer en appuyant sur la touche d'accélération de la télécommande. Tout homme normal qui parvient à suivre
Blissfully Yours jusqu'au générique de fin a quelque chose d'héroïque en lui. Il nous sera par ailleurs difficile d'émettre des doutes quant à la relative beauté des décors (une superbe forêt, ses clairières et ses ruisseaux, continuellement habitée par les bruits des insectes), sa direction d'acteurs des plus honnêtes – même si tout ce petit monde semble être sous prozac –, mais encore une fois, cela ne suffit pas à susciter l'intérêt. Pas d'histoire, pas d'ambiance, pas de rythme... pas de cinéma.
Blissfully Yours est un de mes plus grands moments de néant sur pellicule jamais découverts. Bon courage pour ceux qui ne s'y seraient pas (encore) attardé.
mystérieux objet filmique
'Blissfully Yours' de Apichatpong Weerasethakul est une coulée de plaisir et de sensualité pure au milieu du quotidien contarié des protagonistes [ soient Roong, exploitée dans une usine de confection de statuettes Walt Disney, et Min, son petit ami birman de passage, qui l'est autant dans le coeur de Roong que, clandestinement, en Thaïlande ], comme du spectateur.
Que ce soit dans la première partie du film tournée en ville ou plus encore dans la seconde, dans la forêt (les deux parties sont séparées par le générique du film, pendant le trajet en voiture qui les mène - en les annonçant - à tous les plaisirs), les plans, la lumière, les personnages et leurs mouvements, sont, par la grâce du filmage, d'une sensualité inouïe.
Le réalisateur ne dénonce pas moins des situations socio-politiques, mais il le fait par petites touches et indices discrets (c'est la maladie cutanée de Mi, ce sont les fourmis sur le picnic, et l'on devine que le bonheur n'est que passager, voire inconscient), en plaçant les êtres et non la théorie au centre de son projet (comme dans son film précédent, 'Mystérieux Objet à Midi'), en privilégiant un cinéma de la perception, anti-psychologique et non explicatif.
C'est un plaisir quasi-tactile et extatique que j'ai éprouvé à la vision de ce film.
Jardin intime
Dans la droite lignée de son précédent, Weerasethakul prolonge ses thématiques obsessionnels. A la limite du stylisme auteurisant arrogant, il continue de lier art contemporain à l'outil cinématographique tout en explorant des choses plus profondes. En résulte un curieux exercice de style assez hermétique, qui réussit soit à happer son spectateur, soit de le laisser indifférent.
La première partie ausculte le comportement humain en milieu urbain. Quasi documentariste (pour prolonger son précédent), la mystérieuse auscultation rappelle également une scène de "Mysterious object..." autant que le métier de médecin du père même du réalisateur. Si cette scène avait su arracher un sourire dans son précédent documentaire, comme il était à la limite d'une certaine gêne pour la fille du malade, sa redondance atteint ici un certain symbolisme en relation avec la société de consommation : une dispute familiale a lieu autour du poste de télévision (le père se plaint de ne pouvoir entendre le son) et non pas au quotidien. La télé remplace donc la communication au sein même de la structure familiale - et donne lieu à la discorde. Thème pas innocent, comme le prouve la récurrence des postes TV à l'image.
Cette première partie met également en place une troublante ambiance sensuelle. Le personnage principal est atteint d'une mystérieuse maladie de peau, qui lui donne une "peau morte" ou le fait "muter comme un serpent". Sa belle-mère se met à cœur de lui préparer d'étranges mixtures pour lui passer la pommade sur la peau. L'étrange famille semble avoir quelque chose à cacher, comme en témoigne l'insistance à délivrer un certificat médical au jeune homme; puis la découverte que ce même homme peut très bien parler quand l'envie lui en prend, mais qu'il cache le fait d'être birman. Le film ne démarre que lorsque la mère et son beau-fils vont chercher la jeune femme à l'usine. Une très, très, très longue séquence rend - comme dans son précédent - une nouvelle fois compte du paysage thaïlandais lors d'une promenade en voiture.
Le film ne commence - officiellement - que par un générique après près d'une heure de film, lorsque les jeunes homme et femme s'engouffrent dans une forêt. Ville et société matérialiste laissés derrière eux, ils retrouvent instincts primaires et bonheur en arrivant dans la forêt (tropicale). De suite, le jeune homme se débarrasse de ses vêtements, comme débarrassé d'un fardeau et permettant à sa peau (morte) de respirer librement. D'abord amorphes, les personnages respirent le bonheur, se comprennent sans mots dire devant un merveilleux paysage.
Weerasethakul n'en fait pourtant pas un paradis sur terre, rappelant par d'incessantes attaques de fourmis, que la nature prime sur l'homme et qu'il ne saurait durablement survivre en un tel endroit, mais qu'il a besoin du béton et d'un certain ordre clinique pour y vivre - au dépens de sa nature première (et de sa peau...mourant).
Le retour à la campagne se prolonge également par un retour aux instincts primaires : les personnages vont s'adonner aux plaisirs de la chair et l'intrigue de se surajouter d'un troublant climat oppressant érotique par l'intrusion inopinée de la belle-mère. L'imagination du spectateur donne alors libre cours à sa propre poursuite de l'aventure, alors qu'il ne se passera franchement pas grand chose.
En cela, Weerasethakul prolonge donc parfaitement le propos de son précédent film; mais au lieu que ce soit des témoignages de personnes, les possibles suites à l'histoire se poursuivent dans l'imagination même du spectateur.
Sur écran, ne se passe qu'un état des faits, le reflet de pures sensations intériorisées, un bien-être de l'instant présent.
Nouvelle oeuvre audacieuse et assez hermétique, "Blissfully yours" touche ou rebute, mais réussit en tout cas à ne laisser personne indifférent. Un peu à la manière d'un tableau dans un musée, il aura ses fans et ses détracteurs.
Une réussite d'autant plus méritoire dans le cadre d'un cinéma thaï autrement plus commercial et surtout, SURTOUT plus pudique. Incroyable pari que de n'avoir su dénicher des acteurs à bien avoir voulu aller aussi loin dans la représentation érotique !
Un très grand film rempli d'interprétations et lectures possibles.
Onanisme (pour ne pas être vulgaire).
Apichatpong Weerasethakul a le mérite de ne pas faire des films comme tout le monde. C'est un cinéaste qui attire la curiosité. Mais son "Blissfully Yours", il m'a gonflé.
Avec "Mysterious Object At Noon", l'effet passait plutôt bien. L'idée était pas mal, faut dire. Développer un film sur le principe du cadavre exquis, c'était osé, et ma foi, plutôt bien tenté de sa part.
Mais "Blissfully Yours" ne repose sur rien.
Parceque pour voir une tranche de vie chez des Thaïlandais qui vont se faire ausculter à la clinique du coin, je peux regarder les documentaires de la chaîne Planète.
Et pour voir des gens forniquer dans la forêt devant la caméra, je peux mater RTL 9 en seconde partie de soirée (et encore, j'ai passé l'âge).
Voilà ce que propose les deux grandes parties du film, en schématisant au maximum.
Donc, que dire de plus au sujet de "Blissfully Yours" sans tomber moi-même dans le piège de l'onanisme intellectuel ?
Ben... rien.