On aimerait être clément face à Sweet Rain, premier long métrage du jeune Kakei Masaya. Avec un casting solide et des techniciens qui n’ont plus rien à prouver, le résultat peine pourtant à convaincre là où le scénario, original, avait tout pour plaire : une Faucheuse (Grim Reaper en anglais, un peu plus classe) répondant au nom de Chiba est envoyée sur Terre pour décider du destin des personnes ciblées à travers différentes époques. Ces personnes ont toutes en commun une certaine lassitude de vivre ou des éléments qui leur font côtoyer la mort de près. Divisé en trois segments repérables par leur changement d’époque (1988, 2008 et 2028), Sweet Rain porte bien son nom malgré une belle ironie : toujours accompagnée par la pluie, comme si la Faucheuse pouvait être douce, réfléchie, sensible. C’est pourtant le cas de Chiba, une Faucheuse un peu différente préférant prendre du recul et analyser le comportement de ses cibles avant de les toucher de sa main décisive, chose que ne comprend pas réellement son chien.
Il y rencontrera en premier lieu une jeune femme solitaire harcelée par téléphone sur son lieu de travail par un étranger l’appelant systématiquement par son prénom, son fils devenu caïd 20 ans plus tard, et retrouvera la jeune femme 40 ans plus tard, seule dans sa petite maison perdue dans les plaines. Autant dire qu’il n’a pas posé le doigt sur elle en 1988, logique lorsque cette dernière avait en fait plus de talent qu’elle ne pensait, révisant son jugement quant à l’utilité de poursuivre sa vie après une tentative de suicide survenue plus tôt. Le segment, le plus intéressant des trois, remplit son cahier de charge de Faucheuse devenue ange gardien : parfois drôle (les empoignades de Chiba avec deux pervers, sa méconnaissance du vocabulaire) comme touchant, ce prologue trouve une certaine proximité avec les deux suivants. Effectivement on suit les mésaventures d’un jeune caïd qui n’est autre que le fils « disparu » de la jeune femme du premier opus, qui voue une fidélité et un attachement sans limite à son boss. L’arrivée de Chiba n’apporte pas grand-chose de bien intéressant et au segment d’être ennuyeux du fait de son absence de véritables ambitions, le spectateur habitué aux films de yakuza n’y verra qu’une resaucée de ce qui a déjà été fait dans le passé, sous une esthétique humide et crade rappelant les premiers polars de Miike. Quant au troisième opus, dont on sait qu’il se déroule dans un avenir proche grâce à la présence d’un robot de forme humaine et d’un message radio évoquant la participation de Tokyo pour les futurs Jeux, il reste difficile d’y trouver un quelconque intérêt malgré un élément pas négligeable. On retrouve en effet 40 ans plus tard la jeune femme du début, âgée à présent de 70 ans, vivant seule avec son robot dans sa maison située au milieu de nulle part. Plus qu’une simple demeure, l’endroit est aussi un salon de coiffure. Pourtant en bonne santé, elle ne souhaite plus continuer l’aventure d’une vie.
Mis en scène sans géni, avec un Kaneshiro Takeshi qui semble être tombé dans cette histoire sans trop savoir comment, il manque un vrai souffle au film pour convaincre sur presque deux heures. Les interprètes s’endorment, les procédés faciles s’enchaînent à la pelle : de la manière dont le chien communique avec Chiba aux portes qui mènent vers une nouvelle époque en passant par la pluie omniprésente qui n’apporte rien à la narration si ce n’est d’empêcher Chiba de voir le ciel bleu. Avec un cinéaste plus convaincu –et convaincant- le film aurait pu faire bien plus de bruit qu’un simple drama fantastique aux effets spéciaux datés. Sweet Rain ne reste alors qu’une jolie histoire touchante malgré de gros sabots, l’une des plus originales dans le genre fantastique au gros cœur.