La garce joue et gagne
Deuxième film de la série
Tomie (ou troisième si on compte
Another face),
Replay est confié à l’inconnu
Tomijiro Mitsuishi, dont c’est le premier film et qui n’a pour l’instant rien fait d’autre. Quoiqu’il en soit, je dois avouer que pour un premier film, ça a un minimum de gueule : en effet,
Replay est le premier de la série à pouvoir être conseillé sans tromperie sur la marchandise.
Tomie : Replay est finalement assez proche du premier film. Sans forcément s’ancrer totalement dans la tradition ringuesque (osons le mot, ce film est devenu un archétype, certes malheureux, mais archétype quand même) du film d’horreur japonais il n’en épouse pas moins la forme classique.
Replay est donc assez lent et contemplatif, pas très sanglant (mises à part quelques scènes qui ne vous retourneront cependant pas l’estomac) et ma foi assez long à démarrer. Les allergiques pourront passer leur chemin sans regret, mais les amateurs feraient mieux d’y jeter un coup d’oeil, ce film n’a pas à rougir face aux classiques du genre (en particulier le très surestimé
Ring et ses suites).
Comme dans le premier opus et contrairement à
Another face, Tomie est dans
Replay rarement présente à l’écran (mis à part lors du final). Elle agit ainsi à la manière d’une ombre planant sur le film, une présence diffuse, un mystère que les personnages principaux tentent de percer. Ainsi,
Replay est un film bien plus introspectif que les deux premiers. Car Tomie absente, faute de pouvoir la combattre, il reste toutefois à la comprendre, à savoir qui elle est. D’où une quête de sens et une tentative de retour aux sources qui sous-tend le film (Yumi se rend dans un village traditionnel où on l’éclairera sur les origines de Tomie).
Mais alors que le premier
Tomie échouait à installer une ambiance,
Replay y réussi plutôt bien. Et paradoxalement, ce n’est pas en multipliant les effets visuels et les agressions sonores, mais au contraire en développant les personnages dont les caractères sont plutôt convaincants. Pour la première fois on a le droit à une Tomie pas trop coconne ; au contraire, elle se trouve assez subtile et insaisissable pour retenir l’attention. Idem des autres personnages, en particulier du couple Yumi/Fumihito qui fonctionne très bien. En grande partie grâce aux acteurs qui, sans pour autant toujours casser des briques, s’en sortent honorablement et sont plutôt convaincants dans leurs rôles.
Il faut dire aussi que
Replay bénéficie d’une réalisation un cran au dessus de celle des autres films de la série. En particulier les scènes d’ouverture et de final dans l’hôpital qui brillent par leur sobre sophistication et qui en favorisant les plans larges d’espaces clos accentuent la sensation d’étouffement des personnages dépassés par les évènements.
Mais plus que ça,
Replay est bien plus intéressant que les autres dans la vision qu’il offre de Tomie. En premier lieu on retrouve enfin les délires contorsionnistes et les corps torturés chers à
Junji Ito. Enfin, ça reste très très soft comparé au manga, mais Tomie n’est plus une fille qui ressuscite en deux temps trois mouvements, ça se fait à présent dans la douleur. De plus,
Replay a pour point de départ une voie de contamination assez originale et vicieuse pour être signalée. Car dans
Replay plus que dans les autres films, le réalisateur met en avant la facette contaminante de Tomie, qui (comme dans les précédents films) se multiplie lorsqu’elle est découpée en morceau, mais qui par dessus le marché prend possession des esprits et des corps étrangers :
Replay est un film qui fleure bon la peur de la contamination, du parasite, légèrement paranoïaque et le plus souvent au bord de la folie.
Ensuite, la Tomie qui y est décrite est bien plus ambiguë que dans les autres films. Pas ambiguë au sens de la sale garce prenant l’air de jeune fille naïve (ce qui ne pousse pas l’idée bien loin), mais pour la première fois elle montre un visage de vulnérabilité et de désespoir : et si en fin de compte, en cherchant continuellement à se faire assassiner par ces petits amis, elle ne cherchait pas simplement à mourir ? et que prisonnière de quelque malédiction elle échouait continuellement en se propageant contre son gré ? Ce n’est qu’une hypothèse, et compte tenu de la susmentionnée ambiguïté on ne saurait lui donner trop de poids, mais cela donne sans aucun doute plus de consistance et d’intérêt au métrage.
Et enfin on a droit à une vraie fin. Pas un truc bâclé genre « on fait exploser le monstre et basta ! » (c’est comme ça dans les deux premiers), non, la fin de
Replay renoue avec l’horreur (la vraie de vraie) avec son duel en huis clos et son atmosphère sombre. Et comme signalé plus haut, ce final tire grand profit de la qualité de la réalisation. Il y a même de grande chance qu’à elle seule cette fin fasse que ce film soit plus que simplement moyen. En effet, si le reste tient plutôt la route, il se serait mal accommodé d’une queue de poisson vite fait bien fait. Dans le cas présent, même si le tout ne respire pas toujours l’originalité, un final relativement long et bien distinct du reste du film le met en valeur par contraste.
Et en fin de compte si
Tomie : Replay reste juste un bon film sans être forcement extraordinaire non plus, il se trouve être assez intéressant pour mériter quand même le détour de la part des aficionados d’horreur asiatique, ce qui les changera sans aucun doute des fades digests de
Ring.
Après les navrants
Tomie et
Another face,
Replay lance enfin la machine et montre le potentiel cinématographique de la série.
09 février 2007
par
Epikt