Confrontation des cultures
Ce qui est amusant avec ce vingt-quatrième opus de la saga Tora-san, c'est la complexité de deux cultures bien différentes exposées ici par Yamada Yoji le temps d'un épisode léger comme une bulle où la culture japonaise et américaine se confrontent pour déboucher sur une critique sociale passant les "clichés" au crible. Un américain dénommé "Michael Jordan" débarque un beau jour dans l'auberge Sakura et souhaite trouver un endroit pour poser ses valises le temps de faire son business en ville. D'abord effrayés par le physique imposant du bonhomme, Sakura et sa petite famille vont apprendre à le connaître malgré la barrière de la langue. Tout semble bien se passer, et la famille est étonnée de voir un américain qui ne soit pas riche et qui fasse preuve d'autant de politesse face aux services rendus par Tsune. Lorsque Torajiro débarque une seconde fois dans l'auberge, sa chambre est de nouveau occupée et pas par n'importe qui, c'est Michael Jordan qui l'occupe ce qui n'est pas du goût Tora, haïssant par principe l'Amérique. Les clichés et les préjugés sur le physique démontrent aussi que les bâtisses au Japon ne sont pas toute à fait faites pour les grands gabarits et Michael en fera les frais plus d'une fois, comme le fait de se cogner par maladresse, gag classique datant de l'ère du muet répété ici à plusieurs reprises sans pour autant faire preuve de lourdeur et d'académisme. A ce propos, parlons un peu de cet américain interprété par le peu connu mais pourtant très actif à la télévision, Herb Edelman, qui joue ici bien mieux que les acteurs occidentaux habituellement dirigés dans les films asiatiques. A HongKong c'est une horreur, il y a un peu de mieux ici et son personnage s'avère même extrêmement attachant en dépit de son manque de profondeur lorsqu'il doit faire preuve d'émotion. Son physique avenant (sorte de mélange entre un Kad Merad et un Roberto Begnini) et son air de chien battu font de lui la star de l'épisode, arrivant presque à effacer Atsumi Kiyoshi pourtant une fois de plus formidable (son monologue sur le fait que les japonais arrivent à exprimer leurs sentiments uniquement avec leurs yeux est un classique du répertoire comique du personnage).
Mais ici les rôles sont inversés, car si Torajiro a une fois de plus une histoire de coeur plutôt mal engagée, c'est bien entre Michael Jordan et Sakura que les débats ont lieu. Au spectateur alors d'anticiper l'action, mais Yamada Yoji reste trop propre dans son discours et Hiroshi, le mari officiel de Sakura, n'interviendra même pas dans l'affaire. Quel dommage, le film est pourtant dynamique, doté de belles séquences d'humour et d'amour, mais le chagrin n'est pas tenu sur la durée, il n'est efficace que lors d'une ou deux scènes de "pardon". Vrai film bilingue, cet épisode démontre un visage particulièrement chaleureux et accueillant du Japon, plus ouvert qu'il n'y parait, et Yamada s'amuse à caricaturer les personnages nippons mais aussi américains, la séquence où le président découvre Michael dans l'auberge fait tout droit penser à un touriste face à un gorille dans un zoo : craintif et peureux. Hallucinant. Point de véritable parti pris, chacun y prend pour son grade jusque dans la scène finale où une sorte de redneck perdu au fin fond de l'Arizona se prend un "tu es la honte de l'Amérique" par celui qui aura voyagé au pays du soleil levant le temps de quelques jours.