Xavier Chanoine | 3.25 | Un coup gagnant |
Pour sa mélancolie et ses beaux portraits d’adolescents, Sugi Gisaburo avec Touch Ace Without a Number on His Back est l’un des beaux conteurs de la jeunesse nippone eighties. Un amour secret, une passion pour le sport, mais un cœur déjà pris. Adapté d'une histoire originale de Adachi Mitsuru, le réalisateur refuse de capter l’énergie de la jeunesse, mais plutôt ses questions existentielles (place dans la société, émancipation par les compétitions sportives), en adoptant une tonalité résolument plus adulte, mature, douce-amère.
On retrouve cette volonté de traiter des thèmes inhérents de l’adolescence, dans la joie et la noirceur, comme l'a bien fait l'un de ses contemporains "live" Obayashi Nobuhiko, cette manière de capter l’ère du temps, de comprendre les adolescents mieux que quiconque en les confrontant aux obstacles de la vie. Pourtant, Touch Ace reste d’une évidente sobriété. De lents travelings balayent les instants figés pour capter la solitude et les interrogations de Tatsuya, le montage (quitte à paraître brouillon par moment) tranche plus radicalement dans le vif lors des compétitions de baseball ou de boxe pour souligner la volonté des adolescents à s’imposer eux-mêmes en société. Peu présentes, en dépit de morceaux chantés typiques de l’époque et qui caractérisent ici les émotions des personnages, les compositions musicales laissent place aux instants de pur silence, les plus importants, les plus nécessaires. L’autre grande qualité du film est son abondance de plans contemplatifs laissant entrevoir le passage du temps (de la rentrée d’avril aux beaux jours), l’évolution des sentiments. Bien écrits, les personnages sont rapidement identifiables, attachants, de l’armoire à glace que l’on craint au timide étudiant, les traits sont archétypaux mais ne tombent pas dans la caricature démesurée vampirisant bien trop de productions animées. S’il avait été live, le résultat aurait été sensiblement le même. Partant de ce constat-là, Touch Ace "touche" par sa simplicité, sa mélancolie et son final dramatique plus optimiste qu’il n’y parait malgré quelques menus scories qui n’entachent pas un tableau finalement convaincant.