Ordell Robbie | 2.5 | Traité de façon trop sage pour convaincre. |
Arno Ching-wan | 4 | La bête humaine (s'poile beaucoup et spoile un peu) |
Ca caille, dehors. Après une murge au bar du coin doublée d'une mure réflexion, vous choisissez d’aller vous réfugier dans une salle de cinéma. Un peu saoul, vous mettez la barre de fer sous le fauteuil, elle roule s'enfuir un peu plus loin. Vous chaussez difficilement vos lunettes de vue. Elles sont bancales mais vous vous en foutez, vous les laissez vous flinguer votre champ de vision en vous disant que grâce à votre état et vos traces de doigts, vous aurez peut-être la 3D en bonus.
Outre qu’un ancien vous conseillerait sagement de regarder votre quartier, vos voisins, votre jardin et le terrain de foot d’à côté plutôt que de fukushimer inutilement, sans verser dans la démonstration pesante certains artistes éclairés vous proposent déjà un état des lieux, une porte de sortie à plastiquer. Nous sommes dans la même galère, la même arche de Noé, le même wagon, le même train. Bon gré mal gré, on doit avancer ensemble. Tchou-tchou ! Mais pas à n’importe quel prix, ne nous laissons pas aveugler par la fumée. Si l'on ne peut soigner la loco loco, on peut tout envoyer dans le décor quitte à disparaître soi-même. Avant tout, sauver sa descendance ! Et après ? « On verra bien et à Dieu vat ! ». Sont-ce des propos irresponsable ? Pas selon Bong Joon-Ho, qui en concevant pleinement le cynisme en activité conçoit également sa destruction, nécessaire, et prône un beau retour animal, à l’innocence. Au premier plan, par devant cette allégorie bien vue, place au spectacle. Les personnages plein de cambouis existent, les péripéties s’enchaînent tels des rouages bien huilés, la mise en scène est à couper le sifflet du contrôleur, l’action est trépidante, l’humour noir comme le charbon, la musique suit le chef de gare…
Hormis quelques bavardages en trop et un (joli) faux happy end évoquant bien malgré lui une pub pour une célèbre boisson, ce Transperceneige s’avère sacrément jubilatoire à suivre. Le binôme père / fille de The Host y est rapatrié avec bonheur, la langue coréenne fêtée avec un esprit chauvin bienfaisant, l’acteur Song Kang-Ho en impose toujours autant de son charisme photogénique. Nous sommes prêts à le suivre dans la suite, Antarctic Journal, où il errera, perdu, dans la neige infinie. Sorti juste après deux grandes péloches, Prisoners et Gravity, Snowpiercer peut même se voir comparé à ceux-là. De ce méchant qui raconte tout in fine, flingue à la main, à cet enfant qu’il faut sauver, prisonnier dans un trou, à ce final où un survivant se sent heureux de s’en être tiré alors qu’il se trouve au beau milieu d'une nature hostile. Environnement dangereux, se battre pour survivre, sauver les jeunes générations… L’inconscient collectif sait ce qu’il en est, l’espoir demeure et à Ko Ah-Seong de figurer un bien beau perce-neige. Ca marche. Alors si ça n’est pas déjà fait, enfilez vos chaussettes épaisses et une paire de grosses chaussures aux semelles antidérapantes parce que c’est le pied ce film ! Tous sur le marchepied avec entrain ! Et gare au poisson.