Gangsta Rap
"Tribe" est né à partir d'un documentaire tourné par l'écrivain, scénariste, poète, documentariste, activiste, journaliste et producteur de télévision Jim Meer Libirian. Après un premier court-métrage consacré à certaines de la – au total – plus d'une centaine de gangs du quartier de Tondo, Libirian a décidé de suivre plus longuement certains membres de la tribu et de s'intéresser à la "poésie de la rue", une sorte de rap à base de slams préparées et improvisées. Des longues séquences du long-métrage présentent d'ailleurs quelques superbes créations de vrais membres de gangs.
Pour s'assurer de la réussite du tournage, Libirian a dû s'entourer des vrais gangs – et de réussir le difficile pari de réunir autour de lui des ennemis jurés, qui se seraient entretués dans d'autres circonstances. Une nouvelle preuve, qu'un projet artistique sait gommer les différences et différents pour rassembler des êtres humains autour d'une même passion. Des trêves ont été signés entre gangs ennemis et des ateliers mis spécialement en place sous la supervision de vrais acteurs pour donner des cours et conseils à tous les participants.
"Tribe" donne ainsi un regard particulièrement exact et absolument inédit sur ces gangs et en fait une passionnante docu-fiction. Certains participants sont bien évidemment plus forts que d'autres et il est surtout amusant de voir à quel point les affrontements sonnent faux, chacun veillant à ne pas porter des vrais coups au risque de se blesser, alors que leurs corps sont parsemés de vraies cicatrices et blessures en tous genres, témoignant de leurs nombreux affrontements en-dehors du tournage.
Dommage également, que le film ne sache maintenir la force d'une introduction particulièrement musclée et poignante, détaillant le cruel rituel d'admission à un gang (des coups pour les garçons et des "tournantes" pour l'admission des filles) devant les yeux ébahis d'un petit garçon, que l'on habitue dès ses dix ans à l'alcool, les cigarettes et les drogues.
Toute la partie centrale s'attache à dépeindre le quotidien des autres habitants de Tondo – et manque de la force visuelle et émotionnelle d'un Brillante Mendoza ("Foster Child", "Slingshot") dans un même genre.
Il n'empêche que "Tribe" témoigne une nouvelle fois de la belle dynamique de l'actuel cinéma philippin…et de l'incroyable créativité rendue possible par l'avènement de la DV.