Le film possède des faiblesses, de rythme, de mise en scène, mais il y a cette énergie, cette confiance, cette motivation. Park y croit, et les acteurs y croient avec lui. Sans espérer imposer une forme qui marque les esprits, ce sont tout de même quelques fragments de son style le plus personnel que l'on retrouve dans Trio.
A Trio ne dépasse pas le statut de petit divertissement du samedi soir. Même s’il démarre bien avec des répliques qui font mouche et des situations drolatiques, même si les 2 personnages masculins sont aussi barges qu’attachants (un moustachu cocu tendance calimero et une petite frappe mal élevée qui roule des mécaniques et du couteau), le rythme s’essouffle rapidement au bout de 45 minutes et le film peine à se conclure. La scène finale est d’ailleurs symptomatique : elle se passe dans une église avec un ton très irrévérencieux et irrespectueux qui surprend et fait sourire, puis s’apesantit et s’alourdit au fil des minutes.
Park Chan-wook en est encore ici aux fondations de son édifice cinématographique. Il est en effet vraiment difficile de s’imaginer qu’Oldboy ou JSA soit du même réalisateur, tant cela reste au niveau d’une série B quelconque. A voir peut-être justement pour mesurer la progression fulgurante de ce réalisateur incontournable aujourd'hui.
En 1997, Park Chan-Wook réalisait sa seconde incursion dans le polar violent, cinq ans après The moon is..., en redéfinissant le genre et le poussant vers une sortie définitivement comique et allégée, bien plus "cool relax", une veine qui inspirera toute une palanquée de comédies policières coréennes. Armé d'un script amusant et d'un trio d'acteurs possédant tous la gueule de l'emploie, le film de Park Chan-Wook fait néanmoins pâle figure lorsqu'on le regarde avec un oeil d'aujourd’hui. On y trouve une photo digne d'un téléfilm de la fin des eighties, une bande son aux accents d'un The Killer (1989, tout de même) et une tenue générale à des années lumières d'un JSA réalisé trois ans plus tard. Pourtant, et malgré ce gros coup de vieux, Trio arrive à distraire et amuser le temps d'une projection qui sera peut être l'unique de sa vie. Le spectateur avertit trouvera dans ce polar typé "romanesque" tous les ingrédients d'un film approximatif avec par exemple une interprétation assez vulgaire, des détails techniques qui font tâche comme le reflet du caméraman dans un poste de télé.
L'une des seules satisfactions du film est son esprit amuseur guère déclencheur de fous rires, mais suffisamment présent pour attirer l'attention sur certaines séquences amusantes, notamment les nombreux pétages de plomb de Kim Min-Jong (l'une des attractions du film) et ses sauts d'humeur variables et ses tentatives désespérées de tirer un coup. La réalisation n'est pas non plus un modèle du genre (comparaison inévitable avec ses futures productions) mais demeure suffisamment sobre pour ne pas tomber dans l'esthétisation ou la surenchère clippesque grotesque. En fin de compte tout le monde sait pertinemment que le génial cinéaste Oldboy en aura encore sous la pédale dans les années à venir et on lui pardonnera ce second essai tout juste correctement transformé.

