Tout comme il arrive à un excellent groupe de sortir de mauvais tubes, Herman Yau a flanché avec l’une de ses dernières réalisations en date, Turning Point, à savoir la préquelle de la série télévisée Emergency Unit, produite par la TVB et diffusée à Hong-Kong en février et mars derniers. Il est donc toujours histoire d’infiltration policière et de triades rivales, avec très peu de nouveautés au compteur. Tout est une question de style, de marque de fabrique, de coutumes presque chères au polar hongkongais de ces dernières années, influencés par la firme Milkyway et les productions au-dessus du lot de Johnnie To. Peu de choses sortent du lot, dans cette énième variante de l’infiltration d’un ou plusieurs flics –et accessoirement anciens caïds- dans des triades rivales, l’une menée par One (Anthony Wong) et l’autre par Zatoi (Françis Ng). Extrêmement ponctué de flashback autour des personnages de Laughing (Michael Tse) et de One, le film gagne en étoffement ce qu’il perd en lisibilité.
Car si sa trame n’a au final que très peu d’intérêt au vu du nombre incalculable de polars de qualité en provenance de Hong Kong ou encore d’Hollywood, Turning Point se place en préquelle d’une série télévisée à succès et semble ne pas vouloir s’éloigner des sentiers balisés d’une mise en scène programmée pour un futur passage à la télévision. Déjà que les récents films d’Herman Yau souffraient d’un grain inexistant et de tics formels popularisés à la télévision depuis 24h Chrono, Turning Point se veut être rassurant, clair, loin des photographies clair obscur des récentes productions Milkyway ou d’un Shinjuku Incidentbien maîtrisé de ce côté. La mise en scène ne se met donc jamais au service de sa narration ou du côté exubérant de ses personnages, c’est à peine si l’on sait qui est derrière la caméra. Les passages à tabac ont au moins le mérite d’être par moment jouissifs, comme lorsque Michael Tse, médiocre, se fait écraser le thorax à coups de talons ou reçoit une dizaine de bouteilles sur le crâne. Encore plus jouissif lorsque ce dernier ne semble pas se tordre de douleur, signe qu’il peut encore en prendre. On est donc bel et bien dans du cinéma, de la série B plutôt décomplexée, mais qui risque de faire perdre le temps de ses spectateurs qui n’en sont pas à leur premier polar.
Le film ne vit d’ailleurs que pour ses petites déviances rafraîchissantes et bien venues dans un paysage plutôt terne, sans réelle saveur. Mais ces déviances, ces signes distinctifs, lui valent parfois d’être ridicule, à côté de la plaque, à commencer par les clichés du genre hongkongais : la mèche rebelle du Michael Tse du passé appartient justement au passé, la dégaine et le look même pas punk d’un Anthony Wong maquillé sont affligeants, Francis Ng n’est pas crédible une seule seconde en quadragénaire qui veut en paraître quinze de moins, et enfin Eric Tsang qui agite son éventail pour bien montrer qui est le patron est carrément old fashioned. Pourtant, ces petits signes démarquent Turning Point d’un polar mainstream, mais ne suffisent pas à tenir la comparaison avec toute production un minimum carrée. Pour couronner le tout, il est difficile de s’attacher aux personnages et à leur histoire, en particulier le rôle « père/fils » de One et Laughing quelques années avant l’intrigue du film, ou encore ce dernier avec la sœur de Zatoi qui aurait pu créer un climax final émouvant. Cependant, le spectateur sait dès le générique cheap à quoi il aura affaire. Pas de surprise non plus à ce niveau là.
Herman YAU n'est pas le plus connu des réalisateurs HK (quoique ses cat. III ont acquis un statut culte) mais il n'en reste pas moins prolifique, avec en moyenne 3 films par an. Avec lui on ne sait jamais trop à quoi s'en tenir vu l'inégalité de sa filmo, mais on a quand même de bonnes chances de tomber sur un produit potable. C'est largement le cas avec cette préquelle à la série E.U que je n'ai pas vu ce qui ne m'a pas semblé dérangeant. Produit potable donc car Herman YAU a soigné son film et que le casting est digne d'intérêt: outre MIchael TSE, le héros de la série tv, on a droit à Anthony WONG dans un style....spécial, ainsi que Francis NG, Eric TSANG et même YEN Biao dans un second rôle. Autant l'avouer tout de suite, LAUGHING GOR ne brille pas vraiment par l'originalité de son scénario, c'est un film de triades tout à fait banal, qui fait penser à ON THE EDGE du même réalisateur, qui était plus réussi à mon avis. Il serait plus judicieux de se tourner en priorité vers ses film KILLING END, ON THE EDGE et surtout CITY COP 2 mais pour les gros consommateurs TURNING POINT passera sans problème.