Lost and Found
"The Unseeable" est, par définition, quelque chose que l'on ne puisse voir. C'est exactement ce sentiment, que j'aimerais transmettre à mon audience." explique Sasanatieng concernant son dernier film. Et tient parole.
Tourné en toute importunité, alors qu'une véritable bataille médiatique faisait rage, quant à savoir s'il allait réaliser la superproduction (financé par EuropaCorp) du film de pirates "Nam Prix" ou la co-production singapourienne martiale "Armful" (sur un facteur dépourvu d'un bras) en premier, "The Unseeable" est loin de son précédent univers rose bonbon. Comme déjà démontré à travers la diversité de ses films publicitaires, Sasanatieng est un insatiable touche-tout et jusqu'au-boutiste. Un homme, qui aime à rendre hommage aux classiques du passé. Le voilà donc embarqué dans un film d'horreur dans la plus pure tradition des vieilles productions, sans gros effets, ni recours aux effets spéciaux et profondément influencé par la mythologie fantastique thaïlandaise – et du romancier et artiste Mr. Haem Weatchhakorn en particulier. Réalisé de manière éthérée (quasi entièrement à la steadycam en mouvement permanent), le film baigne dans une douce et menaçante lumière dorée et blafarde.
Rédigé par l'un des sept membres de la Ronin team ("responsable" de "Art of the Devil 2"), l'histoire mise avant tout sur une intrigue pleine de sous-entendus; la jeune héroïne semble perpétuellement menacée par d'étranges figures habitant les lieux et par des apparitions de fantômes dans bon nombre de plans. Aucun effet spécial; Sasanatieng recourt à des procédés éprouvées de silhouettes disparaissant après la soudaine entrée dans le champ; d'une orchestration musicale savamment composée et une mise en scène diablement efficace. Des procédés réussissant à faire sursauter par le simple claquement d'une porte ou faisant frissonner par une main sortant de terre.
Jusqu'au-boutiste, Sasanatieng réussit à condenser tous les procédés typiques des films d'époque, mais également des récents films de fantômes (réussis). Si le dénouement comporte quelques éléments classiques du genre et vus par ailleurs, il n'en finit pas de surprendre par des révélations toujours plus nombreuses, qu'il serait criminel de dévoiler.
Assurément le meilleur film thaï de 2006 et une nouvelle preuve de l'indéniable talent de Sasanatieng, artiste passionnant parmi les meilleurs de sa génération dans le cinéma asiatique actuel.
