Tout est bien fait dans ce film. L'histoire légèrement caricaturale retranscrit quand même bien l'esprit de l'époque, les acteurs sont vraiment sensationnels en suivant leur morphing de manière très convaincante et toute la mise en scène laisse suivre le film sans en perdre une miette. C'est la première fois que je vois un film de Zhang Yimou antérieur à Hero, et même s'il n'y a pas le même travail sur les couleurs et la mise en scène, on sent que le réalisater maîtrise sa caméra sans relâcher son attention. Le sujet, la montée du communisme en Chine, est également très intéressant et, d'après le commentaire de la prof chinoise qui l'a présenté, très réaliste par l'époque l'époque décrite. Donc une oeuvre vraiment mémorable d'un Zhang Yimou très critique sans en faire trop sur la société chinoise avant les années 70.
Vivre ! constitue mon premier Gong Li (il va donc conserver une saveur particulière :-) et un des premiers films chinois hors HK que je vois. On constate rapidement que ce sont deux mondes très différents. On est loin des polars John Wooesque ou des films de kung-fu de Tsui Hark. Le filmé est très calme, avec beaucoup de plans fixes. On atteint cependant pas les sommets de lenteur des Fleurs de Shanghai. Pas de quoi s'endormir, rassurez-vous. Le film se promène donc tranquillement sur 2h10, avec un rythme ni trop rapide ni trop lent.
Il fallait cependant cette durée pour faire entrer 30 ans d'une famille et 30 années d'histoire de Chine populaire. Le film est à ce titre très intéressant. Si vous avez oublié tout de votre cours d'histoire chinoise, Vivre ! vous en rappelera les grandes lignes. Le propos du film est très limpide: suivre Fugui et sa famille sur trois décennies, dans la joie comme dans le malheur. De malheur, justement, parlons-en. Je pense qu'on peut mettre le film à égalité avec Jude de Michael Winterbottom dans la catégorie "il m'arrive les pires malheurs de la terre". Voici une petite énumération des malheurs de Fugui et Jiazhen (à ne pas lire si vous n'avez pas encore vu le film): Fugui perd sa maison au jeu, Jiazhen le quitte, son père meurt, Fugui est enrolé de force dans l'armée, sa maison a brûlé, sa fille est devenu muette, son fils meurt dans un accident, tué par un de ses amis, sa fille meurt lors de son accouchement.
Le film n'a pourtant aucune vocation lacrimale, et ne tente jamais de nous faire nous apitoyer sur le sort de cette famille. Comme l'indique le titre, le film est un hymne à la vie, aussi dure soit elle. Le traitement est à ce titre exemplaire, le style est épuré, ne force pas les sentiments et laisse le spectateur comme seul juge de ce destin.
En tête de l'interprétation, on trouve Gong Li et Ge You. Les deux acteurs sont très attachants, avec Ge You interprétant un Fugui un peu naïf mais très sympathique, et Gong Li une femme de caractère, très porté sur les larmes dans les moments durs. En fait, lorsque Jiazhen est très contente ou malheureuse, elle pleure. Elle pleure donc très souvent, et elle est très jolie quand elle pleure. Les autres acteurs sont globalement très bons, rien à redire.
Notons la musique, fort sympathique, avec des chansons dans un style pré-rap de Chine populaire, et un doublage très bon, ce qui est rare pour ce qui provient d'Asie.
Au final, Vivre ! m'a très agréablement surpris. J'avais quelques craintes sur le cinéma chinois, notamment au niveau du rythme. Mais le film est bien rempli, et ne se répète jamais. Cette reconstitution historique dispose de moyens conséquents et d'un casting solide. Il manque un peu d'émotion pour lui faire atteindre la note ultime.
Le Jury du Festival de Cannes a d'ailleurs également récompensé l'interprétation impeccable de Ge You, d'abord rebelle et inconscient, puis qui rentre dans le rang et se contente d'être un honnête père de famille, tentant d'intérioriser au maximum les malheurs qui s'abattent sur lui. En face de lui, GONG Li, par sa seule présence, donne un atout et un intérêt supplémentaire à ce film. Elle est bien moins combattive, bien moins femme de tête que dans d'autres films ( Epouses et Concubines par exemple), mais tient parfaitement sa place.
On suit donc le destin de ce couple et de leurs enfants, peu épargnés par les tragédies familiales, sur une durée d'une trentaine d'années, en parallèle à l'Histoire de la Chine, mouvementée elle aussi, et en partie responsable du destin de cette famille. Tout commence en 1945, au lendemain de la guerre entre la Chine et le Japon. 4 ans de répit puis une nouvelle guerre, cette fois-ci civile, entre les nationalistes de Tchang Kai-Chek et les communistes de Mao. Le communisme s'installe, la chasse aux sorcières capitalistes est lancée dans tout le pays, créant un climat de suspicion malsain; l'opposition est muselée, et on a vraiment l'impression d'un peuple de boeufs, de moutons, pratiquant le culte de la personnalité (portraits, photos de Mao, petit livre rouge,...) sans réfléchir. Question: pouvaient-ils faire autrement? Qu'aurait-on fait à leur place? C'est un peu trop facile de porter un jugement...
En 1958, c'est « Le Grand Bond en Avant », où Mao implique le peuple entier dans une vaste campagne de concurrence dans le domaine du fer, en demandant à chacun de donner tous les objets en fer qu'il possède pour le bien de la nation. Objectif: dépasser à terme les USA et devenir plus puissant qu'eux ! Bref, période d'espoirs...on connaît la suite. En 1966, début de la Révolution Culturelle, qui n'a de culturel que le nom : chaque chose ancienne est déclarée réactionnaire, c'est ainsi que les vieux médecins de l'hôpital sont jetés en prison et remplacés par de jeunes infirmières inexpérimentées, directement responsables de la mort de la fille du couple lors d'un accouchement... Le film se finit au début des années 70, avec une petite touche d'espoir qui ne peut faire oublier le lourd passé auquel nous venons d'assister.
On le voit, par petites touches, ZHANG Yimou règle ses comptes avec le pouvoir et l'Histoire de son pays. On sait que la Révolution Culturelle lui est restée en travers de la gorge puisqu'il a été contraint d'arrêter ses études. Difficile de ne pas voir cela quand le mari est obligé de brûler son théâtre de marionnettes (clin d'oeil au Maître de Marionnettes du taiwanais Hou Hsiao Hsien?). C'est donc un film important aux yeux de Yimou, et aussi aux yeux de l'humanité, qui découvre une des facettes de la vie en Chine sous le régime communiste. On comprend alors pourquoi ce film a connu des problèmes avec la censure, et pourquoi aussi il a été récompensé de cette manière à Cannes.
Vivre a été présenté au festival de Cannes de 1994 et son réalisateur ZHANG Yimou n’a même pas pu s’y rendre car il devait rester en Chine, le film n’ayant pas encore passé devant la censure locale. Seuls GE You et GONG Li étaient présents lors du festival…
L’histoire est tout simplement celle de le Chine des années 40 jusque dans les années 70 vue par les yeux d’une famille. Le scénario nous permet de voir le départ et l’évolution du communisme en Chine. Vivre a été censuré là-bas, donc je m’attendais à ce que le réalisateur dénonce à tout va le système communiste, mais non, il préfère suggérer que montrer. On se doute bien que certains personnages du film ont dû finir fusillés ou incarcérés, seulement ce n’est pas montré à l’écran. Même si évidemment il critique assez ouvertement le régime politique, il le fait de manière intelligente, ceci démontre une fois de plus s’il en était besoin la dureté du Pouvoir qui n’accepte aucune critique, aussi bien visuelle que suggérée.
Les acteurs jouent très bien, Ge You au début n’est qu’un jeune irresponsable, drogué par le jeu et qui perdra tout. Au fil du temps, il mûrit pour, au final être un bon père de famille. Gong Li représente le vieil adage « l’espoir fait vivre ». Tous les malheurs du Monde s’abattent sur elle et sa famille, mais elle garde espoir, envers et contre tout. Leurs deux enfants sont tout mignons et jouent bien malgré leur jeune âge.
Je me suis procuré ce film car Zhang Yimou est un réalisateur réputé et je voulais voir l’une de ses œuvres, cependant la jaquette et le résumé de l’histoire me paraissaient austère et j’avais peur que l’ensemble soit ennuyeux. Mais rien de tout cela, on suit la vie de Fugui et Jiazhen sans jamais s’ennuyer ou s’endormir. La réalisation est bonne, avec de très beaux plans d’intérieurs comme d’extérieurs de la Chine. Le pauvre couple connaît tellement de péripéties qu’on s’y attache rapidement, l’humour est omniprésent permettant ainsi de rendre un peu plus agréable leur vie si difficile. La musique est belle et nous accompagne parfaitement du commencement jusqu’à la fin.
Je dis que ce film est important car c’est une vision de l’intérieur du pays qui nous est montrée. Une amie chinoise m’a dit qu’elle adorait ce long métrage car c’était la première fois qu’elle voyait à l’écran la manière dont vivaient ses parents lorsqu’ils étaient plus jeunes. Elle ne savait pas trop comment était la Chine durant cette période, les films montrant généralement les diverses batailles que connût cette période plutôt que le quotidien de ses habitants.
Donc, ce film possède une forte portée historique mais aussi humaine, il faut toujours croire en la vie et à ses plaisirs simples. La réalisation de qualité étant un plus apportée à cette œuvre. On a l’impression que chaque nouvelle épreuve est celle de trop, cependant les personnages nous prouvent que non, qu’il faut que la vie continue, encore et toujours.
Vivre! est un film qui devait être fait, ne serait-ce qu'afin que le cinéma chinois s'empare de l'histoire des années Mao pour en solder définitivement les comptes sur grand écran. Et c'est probablement ce qui explique qu'il ait fait en son temps l'effet d'un petit coup de tonnerre en donnant à voir au monde ces années-là de l'intérieur sur grand écran. Coup de tonnerre qui résonna jusqu'à Cannes où le film emporta deux prix. Mais Yimou était-il vraiment le cinéaste ayant l'envergure qu'il fallait pour s'emparer d'un tel sujet et en faire le chef d'oeuvre espéré? On n'en est pas totalement sûr une fois le film terminé.
Ceci dit, Vivre! reste malgré tout le meilleur Yimou à ce jour. Les forces et les limites de l'oeuvre éclatent lors des scènes sur les champs de bataille: d'un côté, la mise en scène est assez correcte pour ne pas les torpiller et ces scènes-là sont bien plus réussies que n'importe quel moment de Hero. De l'autre, on rêve de ce qu'auraient pu donner ces scènes décrivant avec justesse l'absurdité de la guerre filmées par un cinéaste qui aurait maitrisé son art autant qu'un Kobayashi. Toute la mise en scène du film est à l'avenant : manquant de l'ampleur et du souffle épique d'une grande mise en scène classique, n'ayant pas non cette précision aussi millimétrée que discrète et ce naturel dans l'exécution des mise en scène épurées. Mais pas non plus suffisamment mauvaise ni poseuse pour plomber le film. Bon travail artisanal en somme. Restent donc un scénario bien écrit en forme de cours d'histoire sur celluloid jamais pesant ni scolaire, un Gu Ye extraordinaire et une Gong Li le plus souvent au jeu moins irritant qu'à l'habitude. Et tout ceci assure au film son quota de scènes mémorables.
Tout ceci ne fait néanmoins pas oublier quelques réserves non négligeables: encore plus que dans Qiu Ju, l'usage de la musique est inapproprié, surtout que le score est assez plat sans pour autant qu'il casse les oreilles comme celui de Hero. A cela s'ajoute qu'à chaque fois qu'un malheur arrive aux personnages du film Gong Li a trop tendance à contrebalancer une mise en scène qui ne cherche pas à appuyer la dramatisation en mettant les bouchées quintuples dans le jeu pathétique. Faisant ainsi tomber à pieds joints ces scènes-là dans l'écueil que le film réussissait à éviter, la surdose de pathos à la Dancer in the Dark... Vu que ce problème survient à chaque grand évènement dramatique dans un film où les personnages voient leur vie broyée par des changements historiques trop rapides, cela finit par rester en travers de la gorge à la fin du film et empêche de l'aimer autant qu'on l'aurait souhaité, d'être touché autant qu'on l'aurait souhaité.
Mais cela demeure une excellente fresque et un film utile, non seulement politiquement mais aussi au cinéma chinois: le fait que Yimou ait soldé les comptes de cette partie-là de l'histoire de la Chine a permis à la jeune garde chinoise actuelle de ne plus avoir sous le coude ce passé pesant et de pouvoir faire sur grand écran son grand roman à elle, celui de la Chine contemporaine. Dommage que la réussite n'ait ensuite jamais plus autant souri au cinéaste.