Des instants simples et émouvants
Dernier film du peu prolifique Isaka Satoshi, qui ne reçu qu'une petite reconnaissance critique avec son premier film Focus, Walking my Life traite d'un sujet déjà mainte fois évoqué dans le paysage cinématographique mélodramatique, et l'une des forces de ce dernier est de jouer dans cette cour de manière pleinement assumée, de ne jamais passer à côté de son sujet et d'éviter de tomber dans la complaisance morbide en évitant de trop se focaliser sur les souffrances de Yukihiro, homme d'affaire d'une compagnie qui ne tend qu'à s'agrandir dans les années à venir. Il mène en effet, avec l'aide de ses partenaires plus ou moins envieux de sa place, le projet d'agrandir son entreprise en optimisant un terrain vague laissé à l'abandon pour y construire un immense complexe dont les travaux devraient prendre fin courant 2010. Mais le problème est tout autre, ce chef de projet particulièrement compétent et respecté n'a plus que six mois à vivre, gros fumeur, il apprend auprès de son médecin qu'il est atteint d'un cancer du poumon et qu'il ne lui reste que six mois à vivre. Touché mais guère abattu, Yukihiro va dans un premier temps cacher sa maladie incurable pour ne pas blesser sa famille composée de ses deux enfants et sa femme, mais prévoit au fil des jours de reprendre contact avec ceux et celles qui ont compté pour lui dans sa vie. Walking my Life est donc le parcours terminal d'un homme condamné, désireux à présent d'entreprendre trois quêtes : profiter de sa petite famille, faire tout son possible pour que son entreprise tienne la barque et renouer le contact avec ses anciens amis/ennemis pour leur annoncer cette nouvelle : il ne sera bientôt plus là. Dans un premier temps, Walking my Life semble être formaté pour le public adepte de la sortie de mouchoirs, classique quand on connaît la maison Shochiku et leurs dernières productions lacrymales, et si le dernier film de Isaka Satoshi se distingue par son approche noble du sujet, évitant le trop-plein de sentiments écoeurants, il demeure d'un point de vue cinématographique très intéressant. La narration, étalée pourtant sur deux heures, prend le temps de donner de l'importance à chaque personnage du récit : Yukihiro, interprété avec brio par le grand Yakusho Koji, est un homme fatigué par son travail, par son entreprise de mener à bien un projet malgré le fardeau du compte à rebours mortel qui plane au-dessus de sa tête. Ses compagnons salarymen reconnaissent en lui les talents d'un grand dirigeant, meneur de troupes, même si l'on ne sent pas forcément une grande sympathie à son égard. Sa femme, visiblement plus jeune, est en quelque sorte son métronome de la vie de tous les jours, toujours aux petits soins, et ses deux enfants finissent de compléter cette famille moderne et modèle. Tous vont avoir un rôle à jouer lorsque Yukihiro leur annoncera le cancer dont il est atteint, son fils sera le premier mis au courant tout simplement parce que c'est un homme, et qu'il semble avoir les épaules suffisantes pour encaisser ce genre de nouvelles. Sa femme sera mise au courant dans la foulée, Yukihiro ne pouvant plus continuer à mentir sur son sort. Sa fille sera l'une des dernières personnes à apprendre la nouvelle.
Walking my Life est un mélodrame de toute évidence. Pour autant, il n'en n'oublie pas les fondements mêmes d'une réussite du genre, à savoir son enchaînement régulier et rythmé de petites scénettes du quotidien, amusantes et empruntes d'une vraie nostalgie. Ainsi, chaque rencontre avec les personnes du passé de Yukihiro, refaisant surface pour apprendre la nouvelle, sont amenées avec délicatesse, humour et courage : son premier amour, une jeune fille qu'il rencontra sous un porte cochère durant un temps extrêmement pluvieux, ensuite son vieux pote avec lequel il s'était brouillé à propos de la véracité d'un concert de rock d'époque (play-back ou live?), puis cet ancien chef d'entreprise coulé par sa faute. Cette dernière rencontre ne se terminera pas comme prévu, mais elle permettra à Yukihiro de se repentir face à cet homme brisé à cause de la concurrence féroce qui règne entre les compagnies. En fait, ce cancer est une -triste- occasion pour Yukihiro de terminer ses jours en faisant ce qu'il n'a jamais pu faire : profiter pleinement, laisser ses collègues prendre des décisions à sa place, partir en vacances. Malheureusement, plus les jours avancent, plus les premiers symptômes du cancer font surface. Des moments troubles, parfois éprouvants, demeurant repères de l'échéance. Ces séquences ne manqueront pas de heurter, surtout face à la bonté du personnage interprété par un Yakusho Koji formidable de sincérité qui n'en fait jamais trop et qui prouve qu'il est l'un des plus grands acteurs asiatiques et mondiaux en activité. La tentation de tomber dans le grotesque était forte mais Isaka Satoshi sait diriger ses acteurs et en tirer toute leur grâce : les deux gosses sont attachants et au-dessus du drama de base nippon, tout comme leur mère, admirable d'abnégation. Mais le film n'est pas exempt de quelques longueurs et de défauts inhérents au genre car quand on se lance dans Walking my Life, on sait pertinemment que le personnage est condamné et que l'on va devoir supporter ses derniers moments, la dernière demi-heure est d'ailleurs, en grossissant, la préparation du décès, d'où ce malaise que l'on peut ressentir dès l'entrée de Yukihiro en chambre spécialisée. Mais parmi ces évènements ponctués par la souffrance du personnage, le film distille de beaux moments de cinéma comme ces derniers instants sur la plage rythmés par la brise et le bruit des vagues, la très belle partition musicale de Senju Akira, la photographie subtile et le montage doux évitant Walking my Life d'être alarmant, agressif, et ce plan final avec la référence à l'éléphant qui lorsqu'il sent sa mort, se dirige vers le cimetière. Une des belles réussites du mélodrame nippon, pas bien gai, mais le cinéaste aura réussi là où d'autres auraient pu se prendre les pieds.
Préparez vos mouchoirs !
Le sujet de ce film, mélodrame larmoyant très efficace et qui s'assume pleinement, est on ne peut plus classique et évoque le brillantissime
Vivre de Kurosawa : un homme en pleine force de l'âge apprend qu'il mourra d'un cancer dans 6 mois... Refusant tout traitement et préférant éviter l'acharnement thérapeutique, il va petit à petit détisser tous les liens patiemment construits avec d'autres êtres humains, des liens positifs ou négatifs avec des personnes proches ou perdues de vue : il retrouve par exemple son premier amour de jeunesse à qui il n'avait jamais osé lui avouer ses sentiments, son ami de lycée avec qui il s'était fâché,... Le film se recentre ensuite sur la cellule familiale, aux petits soins jusqu'à son dernier souffle. Derniers secrets, derniers regrets. Sans surprise, mais une oeuvre sensible qui fait réfléchir au sens de la vie.
Noyade lacrymale
Sans conférer pour autant un quelconque intérêt à son film, le traitement adopté par Isaka Satochi évite déjà - en partie tout du moins - de le rendre totalement insupportable. Dès lors, restent une mise en scène proprette mais exaspérente de conformisme, et des acteurs ne parvenant malheureusement pas à sauver l'ensemble de la noyade.