Misery en mode kimchi
Ce que l’on peut retenir de Why Did You Come to My House, c’est son côté barré, comprenons par-là son gros vacarme, ses ascenseurs émotionnels too much, sa volonté de passer d’un genre à un autre –au hasard, du mélodrame à la comédie sassy, et son duo d’interprètes convaincants dans leur registre. On trouve d’abord une Su-Kang, gentiment perturbée à cause d’une histoire d’amour de jeunesse qui l’aura conduite à la déchéance, puis Byeong-Hee, classique salarié sans problème devenu suicidaire depuis le meurtre de sa femme et de l’enfant qu’elle portait. Un meurtre qui n’aurait sûrement pas eu lieu si Byeong-Hee n’avait pas laissé sa femme patienter sur le palier pendant qu’il se reluquait dans le miroir une dernière fois, ou s’il n’avait pas allumé les bougies d’un gâteau sûrement riche en symboles. La séquence en flashback (le film en déborde), vue sous la forme d’un simple détail narratif, dénote du caractère très noir du film au-delà de ses traits de comédie amère. Le cinéaste nous explique tout de même la raison de la descente aux enfers du bonhomme, mais celle-ci est logée à la même enseigne que n’importe quelle autre plus banale, comme les aléas sentimentaux qui ont pimenté l’adolescence de Su-Kang, autrement moins dramatiques.
C’est pourtant sur ce dernier point que le cinéaste prend plus de libertés, en dessinant alors les contours du personnage de Su-Kang avec précision, la faisant passer de l’être sensible dupé par un gamin trop immature pour elle (malgré tout l’amour qu’elle éprouve pour lui) à un rôle de kidnappeuse clodo rappelant la "grosse dame" de Misery, d’ailleurs cité à plusieurs reprises, ou encore à une jeune femme dont n’importe quel homme pourrait tomber amoureux, comme le montre avec justesse la scène du bain, sans doute l’unique moment apaisé et aérien du film. Malheureusement, c’est dans sa forme que le film peine à convaincre : à trop vouloir coller aux émotions des personnages, les séquences énergiques à la limite du chao s’en retrouvent logiquement irregardables (à grands renforts d’effets en tout genre, d’accélérations et de montage cut), tandis que celles plus soutenues niveau tension donnent l’occasion à Hwang Su-A de poser sa caméra et de créer des espaces protéiformes très étranges. Tout ceci parait à première vue bien virtuose, avant d’être énervant à la longue, ce qui est dommage puisque le pitch du film bien sympa n’avait sans doute pas besoin d’un tel remue-ménage visuel. Mais voilà maintenant qu’on me glisse dans l’oreillette que la mise en scène est à l’image de ce que vivent le duo d’acteurs, donc cohérente au final. Sans doute, mais voilà donc bien l’une des limites du film : ne jamais arriver à surprendre et à aller à contre-sens des tics habituels d’un film dont la mise en scène s’appliquerait à faire « sens ». Le film ne réussit pas non plus toujours à garder l’attention du spectateur, notamment en ce qui concerne les séquences d’interrogatoire, ennuyeuses pour la plupart, et les nombreux allers-retours dans le temps tendent à rendre la narration par moment un peu trop confuse. Why Did You Come to My House se veut donc être une drôle de petite expérience qui vaut le coup d’œil au moins pour son alchimie divertissement/drame aboutissant à un résultat particulier.Le reste est plus dispensable.