Formellement en accord avec son sujet, critique plutôt acerbe de la société
Des fois, entre deux trois mauvais films peut surgir un métal précieux que l'on ne soupçonnait pas ou auquel on ne s'attendait pas vraiment. Avant de débarquer dans la petite salle -très confortable- du Morny Club de Deauville, peu d'informations à se mettre sous la dent au sujet de ce film coréen pourtant déjà chroniqué dans nos colonnes depuis quelques temps. Un manque d'intérêt porté à cette production? Sans doute, mais il aurait été injuste de quitter le festival en ayant omis la projection de ce film d'auteur coréen, auteur parce qu'il se permet de donner une vision sur la société traitée avec une appropriation du sujet telle que le film prend des allures d'oeuvre immédiatement sérieuse et surtout, honnête. Le film est terriblement honnête et franc sur ce dont il traite, à savoir la misère humaine (sans pour autant atteindre le degré de Dode's Kaden de Kurosawa, chef d'oeuvre du genre. Ici point de bidonville, juste un quartier très mal famé où un mineur et ses deux enfants écoulent des jours pas vraiment heureux : Dong-Gu est dépendant à l'alcool et ne peut plus travailler à la mine. Il reste ses deux enfants, Yong-Lim, petite fille débrouillarde d'à peine dix ans et son grand frère Hae-Gon, handicapé mental. Force est de constater que survivre dans la région est possible, le cinéaste ne faisant pas l'apologie d'un quelconque misérabilisme. Personne ne meurt de faim non plus, le problème est bien ailleurs. Il faut penser au futur : Dong-Gu ne supporte plus de ne plus vivre avec sa femme et passe son temps à se saouler, délaissant clairement ses enfants livrés à eux-mêmes.
Yong-Lim, remarquable d'abnégation et de maturité pour son âge est clairement celle qui porte la famille sur ses frêles épaules et son grand frère ne peut rien faire sans s'attirer les moqueries de ses camarades ou se trouver dans des situations de danger imprévisibles comme une disparition soudaine. Autant dire que l'on ne rigole pas dans The Girl of Black Soil, qui trouve matière à sourire que dans la dégaine formidable de Yu Yeon-Mi, naturellement attendrissante, et il faut trouver suffisamment de recul pour ne pas désespérer face à la situation de cette petite famille car plus le film avance, plus le désespoir s'installe, les plombs pètent plus que d'habitude (le père restant allongé et ivre sur le parterre de sa maison, Hae-Gon retrouvé perché le haut d'une tour avant de recevoir une sévère correction de la part de son père...) et le final étonne parce qu'il est courageux, tout simplement. L'initiative prise par la petite fille en mettra plus d'un sur la touche, mais le geste est à saluer au vu des futures répercutions que cela peut avoir (d'où la maturité de Yong-Lim aussi bien dans la diégèse que lorsqu'elle est "actrice") sur cette petite famille bientôt complètement décimée. Le film se veut être critique envers la société coréenne pas toujours équitable, rien de plus normal dans la mesure où c'est à cause de cette société que la famille risque de tout perdre.
Adulte avant les autres
Chaud devant, accrochez-vous ! Soit donc un village loin des lumières de Seoul ou Pusan. Un village où il fait froid et moche. Un village oublié du boom économique coréen, dans une zone minière sinistrée. Soit un père au chômage, veuf depuis des années et malade. Un fils aîné retardé mental qui ne cesse de fuguer. Soit enfin sa petite sœur de 8 ans qui doit gérer la situation comme elle peut, une petite mère courage qui pallie à la démission éducative de son père en assumant seule les responsabilités familiales…Quand c’est noir, c’est noir !
Outre le fait que le postulat de départ est somme toute plutôt misérabiliste et que le style du film est somme toute plutôt auteuriste tendance contemplatif,
With a girl of black soil consacre au rang de starlette de l’année la craquante petite YU Yeon-Mi qui a littéralement paradé lors du 10ème Festival de Deauville, et c’est largement mérité. Le jury, lui, ne s’est pas arrêté là, allant jusqu’à décerner au film le Lotus d’Or – au détriment de l’hilarant
Funuke. Un prix qui colle bien à l’air du temps en France : déprime collective et moral dans les chaussettes !
Alors évidemment, avec un scénario tel que celui-ci, on ne s'attend pas vraiment à rire, et mieux vaut ne pas avoir déjà le moral dans les baskets quand on va voir un tel film. Parce que franchement, rien n'est épargné à cette famille décomposée. Entre un père mineur et malade des poumons, et un grand frère handicapé mentalement, Yeong-nim se retrouve à occuper la place laissée vacante par une mère disparue, avec une très grande maturité, à la fois dans le personnage, mais aussi dans le jeu d'acteur de Yu Yeon-mi, absolument adorable. Bien trop jeune pour s'occuper de ces problèmes, elle va voir se succéder toutes une série de malheurs, frisant même parfois l'absurde. J'avais l'impression que le film suivait un plan très précis de la succession de catastrophes qui devaient leur arriver. Une tendance un poil trop misérabiliste qui a tendance à vite m'exaspérer. Mais heureusement, l'intérêt du film est relevé par les plans, forcément contemplatifs, mais qui montrent un décor tout en noir et blanc du plus bel effet, mais aussi beaucoup de gris, et qui en plus se paient le luxe d'être en adéquation avec le sujet. Vraiment intéressant comme résultat, et qui permet au film de se distinguer des autres drames en milieu minier. Et il y a aussi l'issue coup de poing. Elle peut être anticipée à partir d'un certain moment, même si on n'ose pas y croire. Elle n'en reste pas moins terrible. Et pourtant, c'est la seule solution qui donne aux deux enfants un nouveau départ.
Elle est adorable
Plutôt long, passablement ennuyeux, j'ai du le voir deux fois pour gérer correctement la vision en fonction du sommeil. Les plans sont longs mais une certaine esthétique ressort de ce film ; difficile de dire que c'est "beau", puisque les paysages miniers sont tout sauf beaux. Disons qu'il arrive à faire ressortir un univers très masculin, dans des tons très contrastés entre la neige blanche et la roche noire, très sal aussi, au milieu duquel vit une petite fille, qui n'a rien a faire ici, et qui finit par le comprendre. Sa mère est décédée, son frère est attardé, et son père, malade, vient de se faire virer de son boulot à la mine. On a vu plus joyeux, comme mise en situation. Dès le début on sent qu'elle se rattache aux dernières traces d'enfance qui restent en elle ; elle essaye de jouer avec son grand frère, qui a l'âge mentale d'un enfant de 3 ans ; elle l'appelle "grand-frère" tout le temps(1), et pourtant cela finit par vite être surprenant voire choquant. C'est son grand frère parce qu'il est plus âgé, mais réellement, elle joue la grande soeur ; elle s'occupe de lui, l'aide à manger, l'emmène à l'école, joue avec lui comme on joue avec un bébé. C'est elle qui prend toutes les initiatives. Elle a 8 ans et se promène toute seule dans la rue ; elle vit complètement seule ; son père n'est qu'un soutien financier, jusqu'à ne plus avoir les moyens. Et dès lors, elle devient adulte et choisit sa propre voie ; elle défend son frère dans toutes les situations, elle apprend le sens du sacrifice pour que sa propre vie s'améliore, tout cela par le simple et concis dialogue avec sa copine qui va déménager. Dans le même esprit que le film japonais Nobody Knows, The Girl of Black Soil constitue un témoignage d'enfants qui ne savent pas ce qu'est l'enfance et sont projetés dans un monde d'adulte sans que personne ne les viennent en aide.
Et cette actrice est tout simplement merveilleuse. On a déjà vu des enfants bien jouer, mais c'est rares de tomber sur de telles perles ; tout est juste, on dirait qu'elle ne joue pas un rôle mais qu'elle le vit. Son air absent dans certaines scènes n'est pas dénué d'expressivité et ses petites mimiques de bouche presque imperceptibles, ses petits regards en coin sont impressionnants de réalisme ; on a l'impression de voir une vraie petite fille et qu'il n'y a pas de caméra. Elle est pleine d'énergie et toujours au top. C'est une très grande prouesse de sa part, surtout quand on voit que tout le film repose sur elle ; elle efface son "grand-frère" attardé et son "papa" malade, qui sont pourtant crédibles dans leur jeu. Bref, c'est un film malheureusement un peu ennuyeux sur certains cotés, mais tenu par les épaules fragiles d'un petite fille grandiose.
(1) Elle appelle son frère "grand-frère", mais les sous-titres donnaient le prénom du garçon. C'est logique puisqu'en français on ne s'appelle pas "grand-frère", "petite-soeur"... mais c'est dommage et cela montre bien la difficulté du sous-titrage, quand le dialogue d'origine montre un certain paradoxe.
01 décembre 2007
par
Elise
Un film plat
"With a Girl of Black Soil" est un film noir, triste, mais qui m'a paru assez inintéressant dans le fond. Pourquoi ? Parce que le réalisateur reprend tous les codes du genre sans y ajouter la moindre différence, et surtout en abordant un thème déjà très largement repris avant lui. De ce fait, on se retrouve devant un film qui ne nous apprend rien de plus de ce qu'on sait déjà sur la situation extrêmement précaire de ces mineurs, sans d'ailleurs prendre de risques démesurés pour critiquer franchement ce système. Un film plat donc, car hormis l'ambiance il n'y a pas grand chose a se mettre sous la dent. Peut-être que si je n'avais jamais vu de films du genre ("Blind Shaft" pour ne citer que lui) je me serais davantage intéressé par cette histoire...
Aride
Il aura fallu attendre deux ans pour voir sur les écrans français la superbe oeuvre du cinéaste Jeon Soo-il, La Petite fille de la terre noire/Geomen tangyi sonyeo oi (2007). L'attente valait le coup...
Loin des fastes technologiques des villes urbanisées sud-coréenne que l’on peut voir habituellement sur la pellicule notamment la capitale : Séoul, Jeon Soo-il raconte La Petite fille de la terre noire dans un environnement pauvre aux paysages désolés. On aura rarement vu une œuvre qui fait tant rappeler la désolation dépeinte par Jia Zhang-ke ou bien encore Blind Shaft (2003) de Li Yang. Souvent, l’impression d’être dans un autre temps prédomine, les mines et leur exploitation à l’ancienne, des maisons de fortune vétuste aux murs craquelés, des rues étroites faite de terre, les flans de collines noires ponctué par endroit de neige qui nous rappellent la région minière dans laquelle on se trouve. Une région grise et misérable.
Jeon Soo-il met en scène une œuvre incroyablement franche et nette. Sa caméra témoigne d’une vie simple mais dure où une industrie quasi-révolue tente de subsister avec l’arrivée de l’urbanisme. On déloge, détruit des quartiers qui seront remplacés par des complexes. On licencie, réduit une activité vivant ses derniers soubresauts, de ces faits des miniers errent comme des fantômes, témoins d’une époque. Le cinéaste illustre cette histoire avec une réalisation où les plans sont fixes mais la caméra, elle est tenue à la main. Á travers cette caméra, la présence du cinéaste est omniprésente comme le témoin privilégié d’une existence cruelle.
La Petite fille de la terre noire s’inscrit comme un drame qui insuffle aussi bien les sourires que la tristesse. Entre des moments légers et ceux communiquant le chagrin, les acteurs tirent la part belle. La jeune actrice, Yu Yun-mi illumine l’œuvre de Jeon Soo-il. Elle est époustouflante de vérité, un jeu qui sonne vrai. Une enfant. Un personnage à la fois enchanté et désenchanté qui parvient aisément à communiquer cette joie et cette façon qu’elle a de tentée de sauver la situation jusqu’à sa survie propre.
La Petite fille de la terre noire de Jeon Soo-il est œuvre cinématographique remarquable, de laquelle on ne sort pas indemne.
D'un film coréen, quand je dis qu'il ressemble à un film japonais c'est un compliment, qu'il ressemble à un film chinois un reproche...
...
With a Girl of Black Soil ressemble à un film chinois.
Et puis mince, le type il est malade, son fils est handicapé, il a plus de thune suite à son licenciement, en plus ils vont être expulsés de leur baraque, mais de qui se fout-on ? Y manquerait plus que la fille devienne aveugle... (ça je sais pas, j'ai laché l'affaire au bout d'une heure, ce qui m'arrive pourtant rarement).
Mais dites moi... y a des mines et des villages industriels désaffectés (ou en train de l'être), c'est pas filmé,... ça y est, j'ai retrouvé : plus qu'à un film chinois ça ressemble à du Ken Loach. Et ça c'est même plus un reproche, c'est une insulte !
21 décembre 2008
par
Epikt
Au fond du trou
Jeon Soo-il est l'un des tous rares réalisateurs contemporains à su avoir préservé son statut d'auteur indépendant et avoir réussi à continuer en marge du système commercial. En France, on a pu notamment le découvrir à travers son "Suicide Designer", projeté au Festival Asiatique de Lyon et avoir bénéficié d'une discrète sortie DVD confidentielle en début d'année 2006.
"With a girl of black soil" constitue la première partie d'une trilogie en devenir sur des "jeunes filles"; et autant avouer, qu'il s'agit d'une entrée en la matière très forte. Son film le mieux abouti et maîtrisé à ce jour, il faut avoir un morale au beau fixe pour supporter cette vision singulièrement désespérée de l'histoire du mineur et de sa petite famille.
Tourné dans l'une des régions les plus froides de la Corée par des conditions climatiques extrêmement précaires (jusqu'à – 20 C°), "With a girl…" montre un visage totalement inédit de la Corée, pas si éloigné de celui de quelques paysages chinois désolé de l'arrière-pays. Le noir du charbon tranche singulièrement sur la blancheur de la neige, métaphore évidente du sombre de l'histoire et de la noirceur de certains hommes par rapport à la pureté des sentiments. Un monde dans lequel les enfants doivent lutter pour préserver une certaine innocence et naïveté et se protéger de la corruption de l'âge adulte, qui finira irrémédiablement par les rattraper. Une petite œuvre puissante, à l'égal des plus grands, et qui donne terriblement envie de suivre les prochains volets de la série (dont le tournage du second devra commencer ces jours-ci quelque part au Népal).
Une grande actrice...haute comme trois pommes
Oui, c'est elle qu'on retiendra de ce film emouvant.
C'est du Zola à la coréenne, référence à Germinal puisque le père est un ancien mineur dont on sent bien qu'il n'arrivera pas au bout du film...De plus il pleut, il fait froid, c'est la misère, pendant tout le film.
Alors pourquoi j'aime ce film ? Parce qu'au delà du décor et des malades qui plombent l'ambiance, il y a comme une fleur, un rayon de soleil, une petite fille qui est l'Espoir personnifié, et qui joue tellement bien qu'on croit qu'elle ne joue pas, et qu'un père comme je suis voit comme un ange. Et aussi parce qu'on peut avoir envie, de temps en temps, de voir un film sans qu'il y n'ait rien d'electronique, pas de voiture de flingue ou de gens plein aux as, et qu'en Corée la misère a existé telle que dans ce film.