Ordell Robbie | 1 | Pas inintéréssant mais pas d'un grand intérêt cinématographique |
Xavier Chanoine | 2.5 | Loin d'être catastrophique, un Gosha simplement mineur |
Au début des années 80, le jisturoku (sous-genre du yakuza eiga basé sur des faits divers réels) avait connu le même épuisement de formule qui avait eu raison de son grand frère le ninkyo eiga. Les années 80 furent dès lors une décennie où le yakuza eiga tomba en désuétude dans les salles de cinéma nipponnes tandis que le public du genre s'était reporté sur les direct to video. Certains films à gros budgets tentèrent bien de relançer le genre mais furent de gros flops. Seule exception: la série des Gokudo Wives (ou Gang Wives). Adaptée d'un livre de la journaliste d'investigation Ieda Shoko basé sur des témoignages de yakuzas de haut rang, elle fit d'Iwashita Shima une figure culte pour le public du genre et ramena ce dernier dans les salles de cinéma.
Les raisons du succès deviennent évidentes au visionnage de ce premier volet signé GOSHA Hideo. Avec un cocktail composé de thèmes classiques de chevalerie, de violence, d'érotisme et de soap opera, Gosha établissait une formule capable de plaire aussi bien au public masculin fan du genre qu'à un public féminin alors féru de mélodrames et formantà l'époque le gros bataillon du public des salles de cinéma nipponnes. On pourrait voir également Awazu Tamaki une descendante d'Oryu. Comme cette dernière, elle incarne une femme sachant imposer sa volonté d'une main de fer à un univers gangstérien masculin sans renier sa féminité. Même si à la douceur d'une Fuji Junko s'oppose l'érotisme tout sauf tapageur dégagé par une Iwashita Shima à l'apparence plus glacée, plus dominatrice, moins tendre. Le film aura donc permis au genre de ne pas s'éteindre en salles en attendant sa "renaissance" des années 90 avec Kitano et Miike notamment.
Une fois son "utilité" historique relative évacuée, penchons-nous sur la valeur cinématographique de la chose. Le scénario offre certes au film un peu d'intérêt documentaire sur le monde des yakuzas de son temps. Dans le film, les yakuzas sont de véritables figures médiatiques. Un évènement survenant dans un clan et les caméras de télévision sont là. Une succession dans un clan donne ainsi lieu à une conférence de presse où l'on parle du sujet avec les journalistes comme on parlerait de la signature d'un footballeur dans un grand club. Ces petits détails jouent ainsi le rôle de révélateur de l'importance des yakuzas dans un Japon des années 80 économiquement prospère. Il est évidemment question du rôle joué par les femmes dans la conservation du pouvoir gangstérien pendant que leurs maris purgent leur peine. Tandis que le machisme, la vulgarité et la vanité des yakuzas mâles s'étale le long du film.
L'intérêt du clan se retrouve de plus mis en conflit avec les aspiration amoureuses et les liens de sang via les rapports entre Tamaki et sa soeur Makoto. Makoto tombe en effet amoureuse d'un yakuza sans grade au grand désespoir de sa soeur. Cette dernière aurait préféré la voir ne pas devenir femme de yakuza comme elle ou à la rigueur femme d'un yakuza avec plus de perspectives "professionnelles". Bref l'entraîner dans un mariage arrangé pour l'intérêt du clan. D'où conflit (quand même déjà mille fois vu en mieux dans le yakuza eiga) où chacune ne souhaite faire aucune concession à l'autre. SPOILERS A l'image d'un Gosha ne faisant aucune concession à l'optimisme en fin de film à une époque où son collègue Fukasaku s'assagissait. Makoto obtient de sa soeur le droit de rejoindre l'homme qu'elle aime mais au prix d'une rupture de fait de leurs liens. Et c'est pour le voir assassiné peu de temps après et ensuite user d'un revolver pour punir l'assassin. Et ainsi basculer dans l'illégalité. Sans pour autant que sa soeur s'en sorte mieux: le pouvoir est maintenu mais elle voit son mari tué lors des retrouvailles de sortie de prison. Et le film de s'achever sur ce constat d'une femme désormais obligée de gérer le pouvoir seule, pour elle-même. FIN SPOILERS
On ne saurait par contre trouver un début d'intérêt à l'exécution du film. La photographie est nulle et la réalisation de Gosha franchit la frontière entre rigueur classique et académisme plat. Katase Rino (Makoto) plombe quant à elle une bonne partie du film avec un jeu l'emmenant sur le terrain du mauvais soap opera. La très "culte" scène de la bagarre entre les deux soeurs est ainsi un grand moment de poussée d'hystérie vaine et saoulante.
D'où le Gosha le plus faiblard qu'on ait vu. Et lorsqu'on voit une mort au ralenti en fin de film, on ne peut s'empêcher de penser que 1986 était aussi l'année du Syndicat du Crime: le renouveau du cinéma de genre made in Asia se situait alors plus du côté de Hong Kong que du Japon. Mais les années 90 allaient changer cela...