Plus accessible mais moins marquant
Autant le dire tout de suite :
The Woman on the Beach est un Hong Sang-soo très accessible. Bien plus facile à appréhender que les précédentes œuvres de l’auteur coréen, cette comédie légère ne cède pourtant pas à la facilité et mise sur des dialogues ciselés qui ne manquent pas de faire mouche. Si les traditionnelles scènes de beuverie et de sexe se font moins présentes, le réalisateur ne se détache pas pour autant des thèmes qui lui sont chers. Hong Sang-soo filme les rapports entre les deux sexes. C’est la vie telle qu’elle est qu’il capture… avec son lot de déconvenues, de frustrations et de petites satisfactions. Le réalisateur continue à user de zooms certes peu discrets mais qui font ici nettement plus sens que dans son précédent long métrage. Parfaitement maîtrisé pendant près d’une heure, le film s’étire ensuite trop en longueur et perd de son efficacité.
The Woman on the Beach constitue finalement un divertissement très correct sur le moment mais ne parvient pas à marquer autant que les précédents films de l’auteur.
Drôle, fin, sensible, pertinent (et bien filmé)
Ce film avait donné lieu à quelques passes d’armes entre Gilles et Yann sur le forum concernant les zooms et cadrages employés par Hong Sang-Soo. En le regardant objectivement, je ne peux que me ranger du côté de Yann : les zooms ne sont en effet jamais gratuits, ils viennent au contraire dynamiser des plans relativement longs en recadrant sur un personnage donné au moment précis où la discussion change de ton, change de dimension et d’envergure. Pour moi, c’est du grand art.
Pour le reste, Woman on the Beach est d’une authenticité et d’un naturel réjouissant, et d’une drôlerie absolue. L’histoire de ce réalisateur hanté par le syndrome de la page blanche et qui court toutes les filles qu’il croise même si elles sont accompagnées (entre parenthèses, ça sent le vécu…) est proprement irrésistible, menée par des acteurs et actrices très inspirés. Hymne à la simplicité de la vie, volontiers coquin et cocasse, voici un film très abordable qui fait passer le temps à toute vitesse dans cette petite ville balnéaire coréenne. On en redemande !
Formellement maîtrisé, propos pleins de justesse : un film vrai
Le plus intéressant dans The woman on the beach, c'est la consistance et la véracité des propos, d'une grande justesse et richesse. Hong Sang-Soo installe alors en l'espace de quelques minutes l'ambiance et les ficelles d'un scénario tirées par une poignée de personnages rafraîchissants. Comment ne pas rire aux éclats devant la prise de bec formidable entre Jung-Rae et Chang-Wook en début de métrage, sous prétexte que ce premier ne daigne pas s'excuser auprès d'un serveur dans un restaurant de sashimis? Comment ne pas esquisser un léger sourire lorsque Jung-Rae et Mun-Suk s'embrassent pour la première fois, comme deux jeunes amoureux fraîchement débarqués en colonie de vacance? The woman on the beach c'est donc la simplicité alliée au réalisme des situations d'un train-train quotidien sentimental que beaucoup ont déjà vécu, intéressant dans son approche de mettre en avant la sincérité de ses personnages et de les confronter à leurs propres faiblesses.
Et le "réalisateur Kim" en est la principale victime, incapable de choisir son camp et de trier ses sentiments parmi deux jeunes femmes dites "ressemblantes". Drôle et d'une grande fraîcheur, le métrage étonne par sa réalisation radicale et ses zooms qui ont fait beaucoup de bruit au sein de la rédaction. Impossible donc de s'extasier devant un schéma de mise en scène très quelconque, avec trois acteurs à l'écran dynamisés par 1) un zoom à gauche puis dézoom et 2) un zoom à droite et dézoom, mais le style particulier du metteur en scène est une vraie marque de fabrique. Doit-on pour autant pester devant ces "faiblesses" lorsque la consistance des personnages se suffit à elle même? The woman on the beach est donc une comédie agréable et parfaitement bien interprétée, une donne vérifiée par la longueur de certains plans qui ne donnent pas le droit à l'erreur aux acteurs. L'art du plan-séquence est ici simplement parfait, les émotions transparaissent par un regard, un sourire, une intonation de voix. Le naturel perceptible chez Hong Sang-Soo est de nouveau ici. Tranche de vie, tranche d'amour...
La caméra, elle est tenue par un maitre
J'avais critiqué la violence de l'article ci dessus sur le forum sans avoir vu le film. Maintenant je l'ai vu, donc allons-y:
Je redis d'abord fermement et poliment que le premier paragraphe de la critique ci-dessus me parait être une suite d'idioties comme j'en ai rarement lu dans une critique. C'est vraiment une réaction sincère : The Woman on the beach est selon moi mieux filmé et monté que 95% des films en général. Faire des plans longs n'a rien a voir avec tourner vite et faire simple. Et quels plans : la seule façon de montrer pour la première fois Mun-Suk, de dos pendant tout un trajet de voiture, mystérieuse, attirante, est de la belle mise en scène.
Restent ces zooms, qui révolutionnent le dispositif formel habituel de Hong Sang-soo. Il tente évidemment de concilier à la fois l'intensité d'une scène prise en plan séquence, à la manière d'un Hou Hsiao-hsien, mais il voudrait aussi varier l'échelle de plan, sans couper et sans mettre en place des travellings encombrants et coûteux, d'où les zooms. L'idée est intéressante, voyons comment elle évoluera. Les zooms sont déjà ici beaucoup plus harmonieux que dans Conte de cinéma.
Le montage? Le plus précis que Hong Sang-soo ait fait depuis La vierge mise à nu par ses prétendants. Pour le reste, effectivement ça démarre abruptement, ce n'est pas un film américain bien huilé avec une longue exposition, un premier plan d'ensemble sur la ville et un dernier sur le ciel. C'est beaucoup plus accessible que les précédents films de Hong Sang-soo, et il faut se réjouir que le réalisateur ait changé à la fois son système de prodution et sa cible, mais ceux qui espèrent le voir un jour réaliser une sitcom MBC se trompent de gars.
Sur le fond, The Woman on the beach peut être très énervant par moments, surtout au début, avec son personnage de metteur en scène qui n'arrive pas à écrire son film. Une fois passé l'envie de mettre des claques à ce personnage trop lourdement "nouvelle vague vintage", le film se lance. Il se fait d'abord léger, parfois hilarant. Mais on sent vite que la première intrigue, très prévisible (le réalisateur se tape la fille), ne tiendra pas.
Effectivement, The Woman on the beach raconte autre chose et c'est à partir de là que le film est passionnant. Hong Sang-soo s'est affranchi de ses structures conceptuelles rigides pour proposer ici un vertige narratif. Il évoque des notions impalpables, comme cette idée de l'image récurrente, celle qui reste en tête et empêche de bien vivre la réalité. Il fait le portrait d'une femme qui se croit libre, elle roule seule sur la plage avec sa voiture bourgeoise dans le dernier plan. Mais en fait, n'est-ce qu'un détail, elle a besoin de deux hommes pour la pousser.
The Woman on the beach montre à quel point les sentiments amènent leur lot de complexité, même si les faits semblent simples. Un détail sur un grand classique de la comédie : il y a deux scènes de lit dans le film, le même mec, deux filles différentes. La première est sûre que la deuxième scène a eu lieu, il lui dit que non, il n'a pas couché. Nous, on est sûr que ils ont couché. Mais en même temps... on ne l'a pas vu. Pas de scène de sexe. Avant, après, mais ce qu'il s'est passé pendant, on ne le saura pas. Dans d'autres films, ces détails n'ont pas d'importance. Mais ici, comme c'est tout le noeud de l'affaire et qu'on sait à quel point Hong Sang-soo est un habitué des scènes de baise, c'est tout un art de choisir entre montrer et pas montrer.
Bref, un film en apparence mineur, mais, à l'évidence, réalisé par un grand metteur en scène. On espère juste que Hong Sang-soo se remette vraiment en cause avec un prochain film ou le héros n'est ni acteur, ni réalisateur.