Une précipitation sur la fin qui gâche l'ensemble
On sent dès le début qu'il s'agit d'un film qui veut devenir grand et qui met toutes les chances de son côté. Décors historiques authentiques, de même pour les costumes, un très grand casting dans lequel on se perdrait presque, et surtout un histoire qui s'approche du mythe. Ce qui est intéressant, c'est qu'au début, on croit vraiment que le prince est devenu complètement paranoïaque et que sa quête pour la réhabilitation de sa mère n'est qu'un caprice de gamin. Mais peu à peu, on découvre qu'il y a bel et bien un secret fermement gardé par la cour et que le prince est peut-être bien plus lucide que ce qu'on aurait cru.
Quelques indices apparaissent, montrant un univers corrompu, et surtout dans lequel le pouvoir n'appartient pas au roi, mais plutôt aux aînés de la famille et aux ministres. Yeon-san devient lui-même victime du pouvoir qu'il est censé représenter. Puis on a droit à un long flash-back, venu presque à l'improviste grâce à un personnage inattendu, et bien qu'il soit intéressant et très explicatif, on perd complètement l'aspect du présent, on n'assiste pas aux réactions du prince en apprenant chacune de ces révélations.
La fin est ensuite rapidement expédiée à coups de tortures et de mises à mort des membres de la cour, dans une folie meurtrière du personnage principal auquel on ne parvient plus du tout à s'identifier, puisqu'il perd toute la personnalité et la profondeur qu'on pouvait lui accorder. Dommage, car la première moitié du film était plutôt très bien réalisée.
Sang royal
Yeonsangun est aussi beau que frustrant. Il s'agit en effet d'un de ces films qui a tout pour etre un chef d'oeuvre mais qui finit par gacher une partie de son potentiel. Une structure narrative bancale, une fin baclée forçant trop sur son coté shakespearien empechent le film d'etre totalement à la hauteur de ses qualités formelles remarquables et de sa richesse scénaristique.
Durant les plus de deux heures que dure le film, Shin Sang Ok a le temps d'étaler toutes ses qualités de metteur en scène. Travail sur le cadre d'une grande précision faisant écho à celle des mécanismes de l'univers de la cours, personnages filmés en biais comme pour refléter le mensonge qui prédomine dans l'univers de la cours, ampleur épique des scènes à cheval, discrétion des effets de mise en scène lors des scènes d'intérieur, usage récurrent de cadrages penchés faisant écho à un univers en plein dérèglement. Dans sa première partie, le film fonctionne à plein régime. La façon dont le montage passe d'une scène à l'autre en ayant pas peur d'élaguer les transitions pour montrer l'avançement de la quete de Yeonsan pour trouver la vérité sur sa mère, essayer de la faire réhabiliter. Et pour montrer le basculement dans l'oubli par la débauche et l'alcool de son désespoir face à l'échec d'une quete se heurtant à la volonté de la cour de détenir le vrai pouvoir, de maintenir le régime par le mensonge. Cette partie n'oublie pas non plus de bifurquer vers des personnages secondaires jouant aussi leur role à la cour et dans le récit, amenant une variété bienvenue.
Le tourment de Yeonsan, c'est sa difficulté à choisir entre son désir personnel d'en savoir plus sur son passé et l'intéret du régime. Et sa découverte qu'etre roi ne signifie pas forcément disposer d'un pouvoir que détient en fait la reine mère et les ministres. Sa seule possibilité de rébellion, c'est finalement de dynamiter la cour de l'intérieur. En se complaisant dans l'oisiveté pour répondre à ceux qui décident à sa place. En introduisant dans la cour des courtisanes issues de milieu modeste pour lui faire un pied de nez. SPOILERS Efforts qui finiront par aboutir vu que c'est alors qu'il est perdu dans la débauche et l'alcool que l'une d'elles va lui permettre de retrouver sa grand-mère maternelle. Viennent alors des scènes de retrouvailles d'une grande intensité dramatique suivies d'un très long flash back explicatif.
Et c'est ici que les choses commençent à se gater. Ce n'est certes pas déplaisant à suivre, cela permet de boucher les points narratifs obscurs de la première partie. La cruauté du complot dont a été victime la mère de Yeonsan est ici montrée dans tous ses détails. La reine mère l'aura ainsi faite chuter pour cause de jalousie de jeune veuve voyant le roi défunt amoureux au travers d'un plan long, cruel et très élaboré. En somme, elle aura fait ce qu'elle reproche à Yeonsan, trop mettre en avant ses désirs individuels. Sauf qu'à force de tirer à longueur par souci explicatif le scénario déséquilibre la structure narrative d'ensemble du film. Et quand le film revient au présent il montre la vengeance folle et cruelle de Yeonsan en chargeant trop sa barque shakespearienne: surenchère de tortures en quantité, surenchère du jeu de l'acteur jouant Yeonsan jusqu'au forcé. Et avec une fin aussi expédiée que sa mise en scène était élaborée. FIN SPOILERS
Shin Sang Ok fait assurément partie des figures qui comptent du cinéma coréen sixties. On le voit d'un bout à l'autre de Yeonsangun, ce qui ajoute au sentiment d'opportunité de grand film pas pleinement exploitée.