Il faut parfois se méfier des contestations. L’air de rien, Rob Marshall a réalisé avec Mémoires d’une geisha un film à la beauté stupéfiante, trop exotique diront certains. Sans doute n’ont-ils pas tords, mais qu’il est étonnant de voir un tel film conspué sur cet aspect alors qu’il s’agit d’une œuvre à la structure très proche de celle du livre, cohérente à travers les âges et admirablement interprétée par un casting asiatique éparpillé aux quatre coins du continent. Zhang Ziyi, belle et combative, Gong Li, sournoise et « horriblement » sulfureuse, Momoi Kaori, exigeante et vraie chef d’entreprise, Michelle Yeoh, sage et protectrice (trop sage, sans doute), Kudoh Youki et son personnage à double facette entre geisha traditionnelle et star glamour capricieuse. Côté hommes pas grand-chose à redire non plus, Watanabe Ken et Yakusho Koji pour ne retenir qu’eux offrent des prestations de grande tenue. Mémoires d’une geisha un film essentiellement féminin ? Certes, mais si l’on ne devient pas geisha par envie, certaines s’en servent pour atteindre un objectif ou même une personne. Qu’importe s’il faut cinq ou dix ans pour y arriver.
On critique donc Mémoires d’une geisha parce qu’il est académique. Il l’est, dans tous les compartiments. Mais depuis quand l’académisme est-il automatiquement une gêne ? L’objectif en sans cesse mouvement est le prolongement de la grâce des personnages, tente de coller au plus près à leur évolution. Filmer en plan fixe n’aurait pas été cohérent avec une telle débauche de moyens au profit d’une direction artistique exemplaire, Rob Marshall ne joue pas dans la cours des auteurs plus intimistes, tout ici n’est que plaisir des sens en grande dimension (de la photographie aux costumes en passant par la bande-son) dans un pur soucis de divertissement 4 étoiles sans la contrainte de toucher une clientèle plus exigeante qui se sera déjà ruée sur les films de Mizoguchi si elle désire un portrait plus personnel du monde des geishas, sans cette dimension « exotique » trop bon marché selon les connaisseurs. Le genre mélodrame ne semble pas non plus être dans le rétroviseur du cinéaste puisque les émotions ne transparaissent que sur « commande » à travers certaines séquences volontairement touchantes notamment lorsque Sayuri doit faire des choix. Les personnages subissent donc davantage les blessures de la guerre (en grande partie dans son dernier tiers) que celles causées par le simple fait d’être une « œuvre d’art en mouvement », tout le contraire de l’approche du métier vue par les grands auteurs du cinéma de l’âge d’or nippon. Ces films-ci et Mémoires d’une geisha ne jouent pas du tout dans la même catégorie, ce dernier faisant plus office de « Etre une geisha pour les nuls » plutôt que d’être le prolongement des œuvres antérieures plus marquantes dans certains points, œuvres qui d’un point de vue strictement technique n’atteignent pas la beauté contemplative du film de Marshall bien que la comparaison soit osée et surtout guère appropriée. Mais qu’importe.
Et si Mémoires d’une geisha avait été réalisé par un japonais, tourné en japonais ? Très bien, on se résume ici à dire qu’il y a erreur sur la marchandise, le film étant réalisé par un salopard de yankee et tourné intégralement en anglais, logique lorsque les personnages féminins sont pratiquement tous d’origine chinoise. Le grand public américain (européen?) ne connaît d'ailleurs sûrement pas les grands talents féminins japonais, donc difficile d'attirer les foules dans ce cas, mais ça c'est autre chose. Une affaire de sous. On ne va pas faire causer un Yakusho Koji avec une Zhang Ziyi qui réciterait son japonais avec maladresse alors que tous deux sont, dans la diégèse, compatriotes. Le hic est donc aussi gros (si ce n’est plus) que de tourner le film dans une langue universelle malgré les formules de politesse et autres bruits ambiants qui restent, eux, papotés en japonais. On cherche l’incohérence autre part, pas sur ces broutilles qui ne sont que des contraintes au final (que dire alors de ces innombrables films de kung-fu taïwanais uniquement trouvables avec un doublage anglais ?). Libre à chacun ensuite de trouver à redire sur la profondeur faiblarde des personnages, sur l’académisme de la mise en scène, sur le contexte politique pas vraiment abordé malgré la guerre, sur les afféteries « logiques » de la prestance des geishas devenues ici motrices d’une certaine idée du fantasme à la japonaise chez l’occidental moyen. On peut en parler des heures. Mais dans son exécution la plus pure, Mémoires d’une geisha est une de ces histoires d’amour difficiles qu’Hollywood sait narrer avec talent, où tous les poncifs y sont déroulés par pure « stratégie » appliquée auprès de la ménagère de moins de cinquante ans, apte à mettre 6,50€ dans une place de cinéma pour découvrir les merveilles de l’Extrême-Orient qu’on nous narre tant dans les grimoires poussiéreux. Elle s’en fera une idée et repartira flouée ou conquise.
L’étude de marché hollywoodienne avait bien défini la cible marketing : la ménagère occidentale de moins de 50 ans en mal d’exotisme et d’histoire d’amour, qui a déjà entendu le mot « geisha » en imaginant vaguement à sa prononciation une pétasse aux yeux bridés, fardée à outrance de poudre blanche sur la tronche avec un gros nœud dans le dos. Ah oui, et habillé en kimono, assise sur un tatami, et avec un grand sourire de faux derch. En somme, un énorme potentiel de dollars qui nécessitait plusieurs pré-requis :
1- La caution d’un livre qu’on a fidèlement adapté à l’écran, en gage de sérieux
2- Les dialogues doivent être en anglais, hein, on s’appelle pas Mel Gibson avec ses délires de films en araméen ou en maya je-sais-plus-quoi et ses sous-titres tout le long qui font mal à la tête, faut pas déconner.
3- Des acteurs et actrices qui se sont déjà faits un petit nom en dehors de leurs frontières d’origine, histoire qu’on puisse se dire « ah attends, on l’a pas déjà vu quelque part elle ? Mais si, elle me dit quelque chose, elle a pas joué dans le film où ils volent sur les toits là, tu sais, Lions et dragons ? Non Tigre et Dragon ! Ah oui c’est ça ! Et l’autre là, c’est pas celui qui jouait avec Tom Cruise y’a pas longtemps ? La vache, t'es physionomiste toi ! ». Du coup, peu importe leur nationalité, des chinois peuvent très bien faire l’affaire pour jouer des japonais, on ne fera de toute façon pas la différence, et en plus ils parleront anglais.
4- Des jolis décors, des jolis costumes et une jolie photo, pour faire comme là-bas dis, comme si qu’on y était vraiment.
5- Une dimension éducative, pour qu’à la fin nos jeunes ménagères se disent « Je croyais que c’était juste des prostituées mais en fait elles étaient plus que ça, elles savaient danser et chanter ! Ouais c’est dingue, elles devaient pas avoir la vie facile, vendues comme ça par leurs parents dès leur plus jeune âge… Tu m’étonnes, mais bon c’était non plus trop désagréable, elles se faisaient belles toute la journée et tenaient compagnie aux hommes sans se donner systématiquement à eux, ça c’est plutôt cool ! »
Le cahier des charges ci-dessus est sans doute cynique, mais je suis sûr qu’il y a une part de vrai… Mémoires d’une geisha est en effet un peu toc pour qui est habitué au cinéma nippon, mais il remplit correctement son rôle de vulgarisation d’une culture très peu comprise et très caricaturée en Occident. Si l’histoire s’avère sans surprises, elle se laisse suivre sans grande difficulté grâce au savoir-faire qu’ont les américains à emballer un récit dans un beau paquet cadeau esthétique qui retient l’attention. Allez, c'est déjà pas si mal.
... ou quand trop d’ingurgitation entraîne l'indigestion.
Que des actrices chinoises jouent des japonaises, des geishas de surcroît, ça ne passe pas, ça ne passe plus, ce type d’approche est démodé à l’heure où la Chine continentale développe son cinéma, et où la Thaïlande, le Japon, la Corée et l’Inde font de même, non plus sur des petits films d’auteur discrets, mais bel et bien sur de grosses productions notables, qui désormais s’exportent. Tourner un film aux US en faisant fi de ce « détail » identitaire relève de la gigantesque blague, méprisante à l’égard de toute production asiatique. Cette volonté n’est a priori pas le cas dans les notes d’intentions d’un Steven Spielberg, ici producteur, ayant longtemps affiché sa passion pour ce cinéma local. Il a affirmé il y a longtemps avoir montré Totoro en version originale non sous-titrée à ses propres enfants, et il a produit du Kurosawa avec son pote Coppola. Qu’a-t-il bien pu se passer sur le cas Geisha ? Les japonaises sont-elles moins « bankable » que les chinoises ? Il est difficile de croire à ce point à la renommée de ces actrices chinoises, puisqu'un Tigre et Dragon a marché au box office tel quel. Pourquoi ne pas avoir choisi une japonaise comme KURIYAMA Chiaki (Kill Bill) par exemple, voire même des inconnues totales, le succès du livre garantissant déjà un afflux conséquent de spectatrices? Est-ce un choix délibéré, une provocation pour universaliser une histoire et calmer le racisme ambiant entre chinois et japonais? Non, il suffit d’imaginer qu’un acteur allemand joue le rôle d’un français pour cerner l’ampleur de l’aberration, ce qui, soit dit en passant, n’a pas été le cas sur le Munich du même « Tsui Hark américain ». Cette fois-ci réalisateur... donc davantage impliqué?
Outre qu’il soit difficile de trouver du plaisir en tentant de contourner cette enclume géante, « Mémoires d’une Geisha » gère très moyennement ses ressorts dramatiques. Le film enchaîne les évènements avec une fainéantise très professionnelle. Chacun y met du sien pour toucher la thune des autres en assurant le minimum syndical sur ce livre d’images convenu. Du beau monde cachetonne pour aboutir à un bel objet, aussi joli qu’une vitrine de magasin qui aguicherait le chaland avec des chinoiseries colorées, sans aucun état ni aucune once d’âme. Pourtant, et c’est là que ça devient intéressant, en se détruisant ce film en devient un autre. Enorme. Il ridiculise le bouquin en démystifiant, malgré lui, les geishas. Parce que les actrices sont chinoises, le fan de cinéma asiatique prendra soudain beaucoup de recul par rapport à ces personnages. La fausseté de la plupart des scènes - dominées par le grotesque apprentissage donné par Michèle Yeoh - renforce la superficialité même de ces femmes, accentuant davantage leur statut de pute de luxe, et ridiculisant plus encore la voix off, douce et factice, d’une ancienne geisha trouvant dans toutes ces paillettes de quoi contester cette évidence. Ainsi le folklore japonais tant apprécié par certains y est joyeusement saccagé par ce choix irrespectueux, amusant pour ceux aimant voir les conventions bousculées, mais ne suffisant pas pour autant à sauver les meubles. On aurait pu se rattraper sur le fort potentiel sexuel de la chose, mais non, même pas, tout est aseptisé par des images très softs et des mots clefs modifiés. La virginité devient une « valeur », la btie une « anguille », le vagin une « grotte » etc… On préfèrera apprécier le jeu charmant tout en nuances de KUDOH Youki, et celui motivé de YAKUSHO Koji, plutôt que de pleurer sur un WATANABE Ken bientôt spécialiste de la disparition des icônes japonaises made in USA. Après avoir été Le Dernier Samouraï, le voici aux côtés d’une des dernières geishas. Gageons que dans un prochain film, c'est lui qui piquera la dernière part de sushi.
WOW, j'ai failli verser une larme!!!
Qui aurait imaginé une fin pareille après moult péripéties... Que la vie est cruelle, et qu'est ce qu'elle est belle!!!
et si vous hésitez à le voir, n'hésitez plus, allez-y franchement. ce sera pas du temps perdu, parole de scout!!!
Ce film est décevant à part les 50 premières minutes du film qui sont vraiment appréciable et la scène de danse qui est agréable à regarder.
Par contre le reste du film se perd pour finir par une happy end indigeste. Et en çe qui concerne le jeux des acteurs actrices qui sont normalement tous très bon, la leur prestation et plus que moyenne.
Un très bon livre, un casting polémique mais intéressant, Spielberg à la production et Rob Marshall à la réalisation, qui signe son deuxième film après l'excellent Chicago ...
Avec une telle distribution, on était en droit de s'attendre à un film exceptionnelle, ce qui n'est guère le cas . Le jeu de Zhang Ziyi manque d'émotion, on est pas ému par ce destin qui s'annoncé fascinant, tout le contraire de la petite qui joue le rôle de Sayuri jeune . Michelle Yeho ne nous ferra jamais croire qu'elle joue une geisha ; reste finalement Gong Li impéccable comme toujours, qui est Hatsumomo . En effet cette dernière a compris toute l'escence du personnage : impèriale, fière, jalouse, cruelle, perfide ... A chaque confrontation avec Zhang Ziyi, cette dernière est eclipsée par Gong Li dont la beauté, la finesse du jeu transcende le personnage d'Hatsumomo et le fait atteindre une dimension tragique .
La musique est pas mal du tout, les décors et les costumes sont superbes . Les danses sont magnifiques et montrent surtout que Rob Marshall est excellent chorégraphes, mais pas encore un bon réalisateur . En fait, c'est peut-être lui la plus grande erreur du casting, car il parvient difficilement à diriger des acteurs bons, à l'origine .
Réalisateur américain, casting chinois, malais et japonais, film tourné en langue anglaise, j'étais sceptique avant d'aller voir le roman d'Arthur Golden porté à l'écran mais je me suis dit que pour 3,50 € je ne risquais pas grand chose. Et j'ai été vraiment agréablement surpris dès les premières minutes du film... Certes, l'histoire peut paraître convenue et les rebondissements demeurent bien peu nombreux. Pourtant, on suit avec intérêt le destin de Chiyo, petite fille vendue comme simple servante dans une maison de gueishas et dont la vie dramatique nous est ici contée. Côté acteurs, on a droit à une prestation en tous points irréprochable, tous se comportant avec suffisamment de professionnalisme pour donner de l'ampleur à leur personnage. Mention spéciale à Zhang Ziyi qui s'exprime plutôt très bien en anglais et qui prouve encore une fois s'il en était besoin qu'elle est une comédienne remarquable, sa spontanéité, sa fraîcheur et sa beauté étant des atouts non négligeables pour le film. La mise en scène est sobre et posée tandis que la photographie reste magnifique du début à la fin aidée en cela par les magnifiques couleurs des vêtements et des paysages naturels entre autres mais aussi par un éclairage savemment étudié qui sublime un ensemble esthétique déjà irréprochable. La scène où Sayuri danse est d'ailleurs un moment de pur bonheur, ceux qui l'ont vu s'en souviennent certainement tant l'instant apparaît magique et irréel. Bref un film peut être peu original, j'en conviens, mais un film travaillé et émouvant qui m'a convaincu et durant lequel je ne me suis pas ennuyé une seconde
Ces temps ci, j'ai pu voir en francais un film américain sur des geishas jouées par des actrice chinoises. Une certaine idée du multiculturalisme dépolitisée en somme (et qui en juste retour a appelé à sa politisation de l'extérieur) qui a eu le don de m irriter en tant que spectateur de cinéma, et qui irriterait encore qui voudrait éprouver un regard au cinéma.
Car memoirs of a geisha, c'est le degré zéro du regard, un principe d'indulgence et de pis aller à tout ce que l'on peut voir. Voyez ces geishas, incarnations de beauté et d'élégance. Elles ne sont rien d'autre que Ca. Voila l'assomante tautologie contenue et assénée durant deux heures. La vulgarité et la barbarie la plus certaine (Zhang Ziyi qui vend sa virginité par exemple) est parée du prisme de l'élégance et la noblesse formelle faite geisha. C'est que l'élégance est geisha. Et la geisha élégance. Ca ne s'explique pas; c'est comme ca voyez vous, ca s'accepte, dans un acquiescement forcé (la scène de danse est montée ainsi, pour nous soumettre à cette beauté, entrecoupée de gros plans sur des spectateurs béats). Et y a-t-il de la place pour autre chose que cette rupture entre l'intelligence et son objet? Des miettes, car on ne peut que couper avec force tout ce qui pourrait la menacer. Ce qui reste, des gros plans lorsque les visages sont tristes et des plans de paysage.
Comble ultime, cette beauté montrée comme évidence jamais réellement interrogée et sous le regard d'un monde tolérant, c'est l'incarnation même de ce que l'on fuit en s'enfermant dans l'obscurité si précieuse d'une salle de cinéma.
Car là c'est un bon ratage. A force de vouloir faire des films pour tous (et surtout pour les anglophones) on fait des films qui n'ont vraiment aucun sens.
C'est pas avec un tel film que l'individu moyen va se défaire de cette idée que tous les Asiatiques sont les mêmes...
L'émotion ne passe pas, sûrement à cause de ce problème d'interprétation et d'anachronisme linguistique.
Mais bon si ça se trouve ça aurai fait encore plus bizarre de faire parler japonais des Chinois...
Les acteurs sont excellents (surtout Zhang Zi Yi, et son personnage enfant), les décors et les costumes sont magnifiques, l'histoire est trés interessante (bien que la fin soit à mon goût trop prévisible).
Le seul probléme, selon moi, c'est que le film pert de son charme, dans sa façon d'être filmée : beaucoup trop occidentale, et commerciale
Mais ça reste un trés bon film, que je vous conseil d'aller voir.